Le 1er juin 2001,
250 personnes, dont France Castel, Marie-Claire Séguin et Lorraine Guay, rendaient hommage à Françoise
David qui quittait la Fédération des femmes du Québec (FFQ) peu après la
fin de la Marche mondiale des femmes en l'an 2000. Initiée par la FFQ sur la lancée de la
Marche du pain et des roses de 1995, une idée de madame David, la Marche mondiale a rassemblé
des femmes de 163 pays et territoires et ouvert bien des Québécois-es
sur le monde. En juin 2001, on en profitait aussi pour remettre
le prix Idola St-Jean
à Vivian Labrie, celle qui a lancé une autre idée qui est aussi allée chercher
un large appui populaire, le projet de loi de lutte contre
la pauvreté.
L'HEURE DU BILAN
En 1994, Françoise David succédait à Céline Signori à la
présidence de la FFQ. Avant son arrivée, la FFQ mettait de l'avant un
féminisme davantage axé sur la lutte contre le sexisme que sur la lutte des classes.
Françoise l'a rapproché des femmes pauvres et a aussi rendu accessible la
compréhension de la lutte des femmes. En 1995, la
Marche du pain
et des roses propulsait la Fédération et mettait le mouvement des
femmes du Québec sur la carte. En 2000, la
Marche mondiale des femmes amenait les Québécoises et le mouvement des femmes à développer
une solidarité internationale. Françoise dresse
ce bilan
de ses années passées à la FFQ.
Sa plus grande déception est de n'avoir pas réussi à marquer suffisamment de
points dans la lutte contre la pauvreté. La
réponse du
gouvernement du Québec aux revendications de la Marche mondiale (10 cents d'augmentation
du salaire minimum et 50 millions $ en mesures diverses) a été le plus dur de tout ce
qu'elle a vécu pendant ses sept années à la Fédération. Cette gifle assénée aux plus pauvres
l'a mise en furie. Dans les mois qui ont suivi la Marche mondiale, elle soulève l'idée
de fonder un parti alternatif de gauche féministe, une idée qui a plu à 44% des personnes interrogées
dans le cadre d'un sondage SOM paru le 8 mars 2001.
Des gens "tannés de voter pour le moins pire" lui demandaient mille fois par jour si elle allait faire
le saut en politique.
Seule candidate en lice aux élections qui ont eu lieu le 3 juin 2001 à l'assemblée
générale annuelle de la FFQ : Vivian Barbot, vice-présidente depuis deux ans. Elle est la
première femme noire à la tête d'un mouvement à majorité blanche.
Née en Haïti, Vivian est arrivée au Québec en 1967. En juin 2003,
c'est Michèle Asselin, coordonnatrice de l'R
des centres de femmes depuis 1988, qui devenait la nouvelle PDG de la FFQ.
Page reliée : Françoise David reçoit le prix Personne, 18-10-02
ET ENSUITE ?
"Françoise, y'a rien à faire : t'es une cheffe..." Ce n'était pas la première fois qu'elle entendait
ces mots, mais ce soir-là, ils avaient une vraie signification. "Ça m'a donné un nouveau souffle."
C'était en décembre 2001, au Mali où elle avait été invitée
par SUCO pour analyser l'impact des projets de l'organisme sur la vie des villageoises. "J'ai pris un grand respir et je
me suis dit au fond, il a raison et je vais m'assumer même si ce n'est pas toujours reposant.
Mais pour être une cheffe, il faut que je le sois là où j'ai une légitimité. Et j'ai constaté
que c'est ici, au Québec, que je suis crédible. Au fond, depuis six mois, je cherche comment être
utile parce que c'est le moteur de ma vie. Et là j'ai compris qu'être utile, c'est agir ici,
maintenant."
Le Mali lui a fait prendre conscience que "ce qui m'allume le plus, encore et toujours,
c'est ce qui se passe sur le terrain. Quand t'es tout le temps au niveau des leaders, dans les
grandes causes, les sommets, etc., tu ne vois plus d'aussi près ce qui se passe à la base..."
Le 12 février 2002, elle mettait fin à toutes les rumeurs : elle ne se lance pas en politique
avec un parti existant et ne crée pas non plus son propre parti, "du moins pour l'instant" comme le disent
ses proches. Un parti de gauche, différent, féministe, Françoise y croit toujours. "Mais si on ne se préoccupe
pas de la réforme du mode de scrutin, il n'aura aucun député", souligne-t-elle.
C'est pourquoi elle
annonçait qu'elle militerait au sein du
Mouvement pour une démocratie nouvelle qui veut changer
le mode de scrutin. Elle y voit "une sorte de passage obligé" si on veut avoir l'assurance qu'un
parti de gauche soit viable au Québec. Mais sa cause prioritaire, c'est au sein
d'Au bas de l'échelle (ABE)
qu'elle la défendra pendant quelques mois.
Depuis plus de 25 ans, ABE lutte pour le respect des droits des non-syndiqué-es. Elle a été
notamment chargée de coordonner une campagne
d'action auprès du gouvernement du Québec pour qu'il réforme en
profondeur la loi sur les normes du travail.
Page reliée : Les femmes et l'implication citoyenne, 08-03-04
D'ABORD SOLIDAIRE !
À quelques semaines des élections provinciales 2003, Françoise
et une quinzaine de militant-es invitaient la population du Québec à réfléchir
sur les principaux enjeux. "Nous nous sommes regroupés à la suite des
élections partielles de juin 2002 qui ont consacré la montée inattendue
de l'ADQ, un parti qui fait souffler
un vent de droite inquiétant sur le Québec. La dénonciation du "lobby misérabiliste
de la pauvreté" par un ministre péquiste nous a indignés; la proposition libérale de geler
tous les budgets ministériels, sauf la Santé et l'Éducation, nous a fait frémir", de déclarer
Françoise, alors porte-parole du collectif
D'abord solidaires.
Depuis quelques mois, les débats se
multipliaient sur des sujets comme le financement, la qualité, l'accès et l'organisation des services
publics dans toutes les régions du Québec, la place des libertés et des choix individuels dans la
gestion des services publics, le rôle de l'État en regard des besoins fondamentaux des citoyen-nes
et la solidarité sociale. Il fallait amener la population québécoise à exiger que les
élections permettent de véritables débats sur ces questions plutôt que de faire
une simple mise en marché de l'image des politicien-nes et des partis. Après Au bas de l'échelle, c'est par le biais du collectif D'abord solidaires
que Françoise David a agi dans la sphère politique jusqu'en décembre 2003 afin
d'interpeller l'ADQ, le PLQ, le
PQ,
l'UFP et le Parti Vert du point de vue du respect du bien commun.
Les élections
terminées, fin novembre 2003, le collectif décidait de
poursuivre le développement de l'imaginaire
politique. D'abord solidaires continuera d'exister et de se développer comme mouvement/réseau
non partisan, en mettant l'accent cette fois sur la lutte contre les politiques conservatrices du gouvernement Charest.
La militante féministe altermondialiste Lorraine Guay a accepté d'être la nouvelle porte-parole du collectif. Des militant-es ont aussi
décidé de suivre la voie proposée par Françoise David, à savoir de travailler, parallèlement
à D'abord solidaires, à la création d'un parti politique, de préférence en association
avec l'UFP et
les Verts. Une troisième
option dite libertaire, qui favorise l'action locale et l'autogestion et qui s'inscrit dans
la tendance anarchiste, continuera aussi à faire son chemin de façon autonome et complémentaire. Les collectifs locaux
continueront à se développer. "Faisons mouvement!", a résumé Lorraine dans sa présentation. Pour
sa part, Françoise conclut que : "Si la tendance se maintient, aux prochaines élections québécoises,
il y aura un parti féministe, de gauche, écologiste, altermondialiste, pacifiste et anti-raciste",
aux applaudissements nourris de la salle.
BIEN COMMUN RECHERCHÉ
À l’occasion de la publication du livre Bien commun recherché,
Françoise David et une équipe de militant-es lançaient en mai 2004 un mouvement politique en vue de
construire un Québec centré sur la recherche du bien commun. Ce nouveau parti politique
a choisi provisoirement Option citoyenne comme nom afin
de refléter sa volonté "de travailler avec les gens pour définir ensemble le Québec dans lequel
nous voulons vivre, tout en défendant notre valeur centrale qui est celle de la recherche du
"bien commun". Ses membres proviennent de la mouvance sociale, des groupes féministes, communautaires
et populaires.
Option citoyenne vise la mise en place au printemps 2005 d’une alternative politique de gauche, féministe,
écologiste, altermondialiste, pacifiste et anti-raciste. Cet été, Option citoyenne sillonne les régions
du Québec afin de discuter avec la population des questions abordées dans "Bien commun recherché". En novembre 2004, une
rencontre nationale aura lieu. Seront adoptées les grandes orientations et les propositions de
fondement d’un futur parti politique unificateur des forces de gauche et écologistes, puis des discussions auront lieu
avec l’UFP
et le Parti Vert en vue d’une unification.
Pages reliées :
Françoise David à contre-jour, La Tribu du Verbe, 12-07-04
Entrevue avec Françoise David, Indicatif Présent, 04-02-04
Françoise David, militante infatigable, Tolerance.ca, 2004
Pas de mouton noir dans la famille québécoise!, Françoise David, 13-02-03
Contenu et mise en ligne : Nicole Nepton Mis en ligne le 02-06-01. Mis à jour le
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