VISIBILITÉ ET DROIT DE PAROLE DES TRAVAILLEUSES DU SEXE :
 ABOLITION OU TRAFIC D'UN ESPACE CITOYEN ?

Communication présentée au
Colloque 429 - Démocratie et société, section 'Marges et Citoyenneté'
70è Congrès de l'Association francophone pour le savoir [ACFAS]


par Maria Nengeh Mensah1 PhD, le 16 mai 2002



La montée du mouvement contre la traite et le trafic des femmes 2 expose, dans un discours contemporain, la prostitution en tant que manifestation extrême de l'oppression et de la subordination systématique des femmes du monde entier. Ce discours féministe critique le concept de choix individuel et ne reconnaît pas le droit de parole à celles qui se disent "travailleuses" dans l'industrie du sexe. Les libertés fondamentales d'apparaître, de s'associer et de s'exprimer sont perçues comme les signes d'une acceptation aveugle par les femmes qui font la prostitution de leur propre violation physique, matérielle et symbolique. Il est ainsi impossible d'entrevoir celles-ci comme des citoyennes à part entière et d'entendre leurs réelles revendications.

La présente communication abordera ces deux perspectives, contradictoires certes, mais qui peuvent être ralliées sous le vocable de "perspectives féministes". Par féminisme, on entend de tous côtés, qu'il s'agit

d'une prise de conscience... individuelle... et... collective, suivie d'une révolte contre l'arrangement des rapports de sexe et la position subordonnée que les femmes y occupent dans une société donnée, à un moment donné de son histoire. Il s'agit aussi d'une lutte pour changer les rapports et cette situation3.

Le féminisme a longtemps été perçu comme une théorie et une pratique marginales... à l'extérieur des paradigmes dominants, apparemment neutres. Pour certaines même,

le féminisme cesse d'être féministe du moment où il perd son statut marginal [d'extériorité] par rapport aux autres disciplines ou par rapport aux institutions. Si le féminisme fait partie de l'institution, s'il s'incorpore comme une connaissance parmi les autres, il ne modifie plus rien à l'ensemble; il devient lui-même une institution et cesse d'être un mouvement - mouvement politique, mouvement théorique, mouvement tout court au lieu de fixité 4.

Reste que dans certains domaines, le féminisme a acquis sa notoriété et demeure l'analyse la plus aiguisée, la mieux articulée, des questions et des enjeux sociopolitiques de la place des femmes dans la société. Un de ces domaines concerne l'analyse de la sexualité en général et de la prostitution en particulier. En effet, le féminisme a contribué largement aux analyses théoriques de la prostitution, mais la position féministe n'en est pas moins plurielle et elle fait l'objet de nombreux débats5.

Historiquement, dès le XIXième siècle, le commerce des services sexuels fait l'objet d'une condamnation par les groupes féministes. La femme qui vend des services sexuels est perçue comme une victime, cible d'une moralité punitive et misogyne, et la critique féministe s'oriente vers l'évaluation du pouvoir des hommes et le rôle de l'État. La solution est d'amener les hommes aux standards de vertu des femmes et d'amener l'État à abolir les réglementations qui augmentent la vulnérabilité sociale des femmes prostituées 6.

Au XXième siècle, plusieurs autres courants de la pensée féministe (libérale, radicale, marxiste, socialiste) sous-tendent différentes analyses du caractère oppressif des rapports sociaux de sexe à l'intérieur desquelles la problématique de la prostitution trouve sa place. C'est entre les années 1970 et 1990 que l'on conçoit d'emblée le commerce des services sexuels comme un symbole de l'infériorité sociale et économique; la prostituée étant perçue comme une victime des structures économiques et patriarcales7. Cette victimisation renvoie tantôt aux conditions d'inégalité et de discrimination auxquelles sont confrontées les femmes sur le marché du travail8, tantôt aux conditions d'appropriation de la sexualité et du corps des femmes par les hommes9. La critique n'épargne pas la "classe des hommes" clients, souteneurs, policiers ou autres, et l'intervention de l'État constitue moins une réponse qu'une partie du problème lui-même10.

Parallèlement, dans divers pays, émerge un mouvement international des femmes engagées dans l'industrie du sexe qui défend leurs intérêts propres. La prostitution est envisagée comme une réalité s'inscrivant dans la myriade de "choix contraints"11 que les femmes exercent et qui sont non seulement liés à des droits humains fondamentaux, mais surtout qui devraient pouvoir être exercés en sécurité et avec dignité12. Ces femmes envisagent que la prostitution forcée qui créée des victimes ne peut être combattue que si l'on accorde une reconnaissance sociale à la prostitution volontaire13; elles proposent une nouvelle définition de la prostitution et une nouvelle image des prostituées qui mettent en cause et la morale traditionnelle et la morale féministe14.

Ces différentes perspectives sont toujours d'actualité au XXIième siècle dans le cadre de la montée du mouvement international contre le trafic des personnes. Toutefois, je constate une confusion flagrante au niveau de ce discours contemporain. Deux approches féministes s'opposent entre elles à un point tel qu'elles semblent aller à l'encontre des objectifs d'inclusion de toutes les femmes, de révolte contre l'exclusion et de lutte pour changer les rapports de marginalisation et de subordination des femmes, y compris les plus marginales.

Deux siècles après les premiers écrits féministes autour du thème de la prostitution, sur la scène de la mondialisation, les perspectives féministes abolitionnistes occultent l'expérience des femmes prostituées dans la mesure où celle-ci ne correspond pas au cadre analytique privilégié. C'est-à-dire, par exemple, que les femmes prostituées qui ne se définissent pas comme victimes de la domination masculine ne peuvent être entendues. Seront entendues uniquement celles qui acceptent de redéfinir leurs pratiques prostitutionnelles en termes d'abus, de violations, de survie forcée; ou qui disent avoir enfin "échappé à la prostitution".

La récupération des témoignages de femmes-victimes renforce largement cette perspective féministe dominante, l'abolitionnisme : on récupère les trajectoires personnelles de certaines femmes au profit d'une volonté d'abolir toute "autre voix". Ainsi, Gunilla Ekberg15 précise que :

Pour l'analyse féministe radicale, il est central d'écouter... la réalité... des femmes et des filles. Au lieu d'écouter les prétentions de l'industrie de la prostitution et de ses défenseurs, nous devons écouter les femmes et les petites filles qui ont échappé à la prostitution. Qu'ont-elles à nous dire de l'industrie de la prostitution? Aucune femme ou petite fille que nous avons rencontrées dans notre travail n'a affirmé avoir choisi de devenir 'prostituée'. Aucune ne voyait la prostitution comme un travail ou comme une façon de se libérer. Aucune d'elles n'a jamais consenti à être violée par un nombre sans fin de mâles anonymes. [je souligne]16

Dans cette optique, l'on consentira aisément à voir que les femmes qui oseront nommer autrement leur place dans l'industrie du sexe - par exemple, celles qui entrevoient la prostitution comme un travail - seront co-optées, automatiquement perçues, voire récupérées à titre de vilaines complices. On va jusqu'à les appeler des promotrices aveuglées constituant un "lobby pro-prostitution"17. On tente ainsi de démontrer que les arguments des personnes qui font la prostitution sont basés sur de fausses prémisses qui ne tiennent pas compte de facteurs élémentaires, tels que la spécificité du genre et les rapports de pouvoir foncièrement inégaux entre les hommes et les femmes. Comme si la revendication première des associations de femmes prostituées de pouvoir "travailler en sécurité et avec dignité" n'était pas justement une mise en garde contre les effets pervers de ces mêmes rapports sociaux.

Du coup, la perspective féministe abolitionniste est à son tour récupérée par les tenants du modèle prohibitionniste, c'est-à-dire par les systèmes juridiques et les forces policières dont l'objectif ultime concerne la répression du travail du sexe dans ses formes les plus visibles. L'application de la loi permettant de "nettoyer" les quartiers où travaillent des femmes prostituées, en ciblant la visibilité et l'accessibilité aux services sexuels qui se déroulent dans des lieux publics, dont la rue18. La prostituée devrait se soustraire au regard du public, aux yeux des conseillers municipaux et autres autorités publiques. Selon un représentant du Service de police de Montréal, "Elle dérange les citoyens, les résidents"19, comme si entre la citoyenneté et la prostitution un gouffre impossible s'était dessiné20.

En deux temps, deux mouvements, on assiste au trafic non plus des personnes elles-mêmes, mais bien des perspectives féministes : (1) transport des revendications des femmes prostituées en termes d'une complicité avec leur oppresseur d'une part, (2) déplacement aussi de l'argumentaire féministe abolitionniste vers les porte-parole étatiques, d'autre part. Et force est de constater qu'au bout du compte ce que l'on réussit à abolir n'est plus la prostitution en soi, mais bien l'espace citoyen de certaines femmes, la capacité de dire leur point de vue et, ce faisant, de participer à la vie collective et sociale.

Et si les femmes prostituées étaient citoyennes?
Si elles étaient aussi féministes?

Voilà un espace à découvrir...

Né officiellement au début des années 1970 aux États-Unis et en Europe, le mouvement des travailleuses du sexe s'est étendu au reste de la planète à partir du milieu des années 1980 et rassemble aujourd'hui des groupes de travailleuses du sexe des cinq continents. En somme, selon Claire Thiboutot21, ces associations poursuivent l'un, l'autre ou l'ensemble des objectifs suivants : offrir soutien et information; lutter contre la discrimination; promouvoir la décriminalisation des métiers du sexe; contrer l'isolement; et soutenir le développement des solidarités. Qui plus est, depuis 30 ans, "l'auto-organisation des travailleuses du sexe a permis leur émergence comme sujets de leurs expériences et de leur parole"22. Ainsi, la lutte des travailleuses du sexe est une lutte pour le respect de leurs droits humains fondamentaux, droits qui leurs sont niés systématiquement dans un contexte socio-juridique où elles sont considérées comme des criminelles et stigmatisées comme putes23.

Généralement on nomme "travail du sexe"24 l'ensemble des pratiques où il y a échange d'argent ou de biens contre un ou des services sexuels : la prostitution de rue, les services d'escortes, la danse nue, le massage érotique, le téléphone érotique, etc. Du point de vue des personnes qui exercent ces pratiques, le concept de travail du sexe permet de mettre de l'avant la dimension économique de ces activités. Il implique non pas une identité ni une caractéristique sociale, légale ou psychologique des personnes qui le pratiquent, mais bien "une activité génératrice de revenu"25. Autrement dit, selon Thiboutot, le travail du sexe consiste en la vente de sa force de travail pour l'accomplissement d'actes de nature érotique ou sexuelle contre rémunération. La capacité pour une travailleuse du sexe de négocier les différents termes de ses services (actes, tarifs et durée) dépend des conditions dans lesquelles elle travaille. Ces conditions sont extrêmement variables selon les contextes impliqués.

De même qu'il y a différentes pratiques et conditions de travail du sexe, il y a autant de personnes différentes qui travaillent dans l'industrie du sexe. Les activités de l'industrie étant dans plusieurs cas illégales, elles se pratiquent dans la clandestinité et changent fréquemment de lieux, d'où la difficulté de tracer un portrait représentatif des personnes qui y travaillent, selon Thiboutot. Les médias et la plupart des recherches effectuées à ce jour ayant porté leur attention principalement sur les segments les plus visibles des pratiques de travail du sexe (la sollicitation dans la rue), il est difficile de faire des généralisations à propos de l'ensemble des travailleuses. Comme le soulève Gail Pheterson :

Nous avons des informations concernant des prisonnières, des personnes en cure de désintoxication, etc. [donc de populations captives] Par contre nous avons peu d'information sur des femmes qui ont pratiqué le travail du sexe au cours de leur vie mais qui n'ont jamais été emprisonnées, jamais traitées en désintoxication ou n'ont jamais fréquenté de ressources en santé ou en hébergement offrant directement des services aux prostituées et autres travailleuses du sexe26.

Parallèlement, le mouvement des travailleuses du sexe reconnaît la prostitution et le travail du sexe comme l'une des grandes institutions à la base de l'oppression des femmes; dans la même lignée que "la contrainte à l'hétérosexualité, à la maternité et au mariage"27. Tout comme les féministes ont lutté et luttent encore pour la reconnaissance du travail "invisible" des femmes à l'intérieur de ces institutions - éducation des enfants, soins aux malades, travail domestique, etc. - et contre les abus et les violences qui y prennent place, les travailleuses du sexe revendiquent la même reconnaissance en ce qui concerne le travail du sexe. Sans celle-ci, explique Claire Thiboutot, "nos stratégies et nos actions visant à des changements relatifs aux conditions de vie et de travail des femmes sont voués à l'échec : cette reconnaissance passe par la décriminalisation complète de la prostitution"28 .

En effet, selon Thiboutot, toute stratégie abolitionniste (qui vise nécessairement la criminalisation) contribue au maintien de la clandestinité de l'industrie et accroît les possibilités d'abus. De plus, définir la prostitution et le travail du sexe comme des formes d'exploitation sexuelle et de violation des droits humains des femmes, tel qu'il est fait dans un cadre d'analyse abolitionniste, a de graves conséquences pour l'ensemble des femmes car cette définition maintient le caractère illicite et transgressif de l'institution de la prostitution et soutient la pérennité du "stigma 'pute'"29.

Pour Gail Pheterson, la stigmatisation entourant la putain, quoique ciblant en premier lieu les femmes prostituées, contrôle toutes les femmes. Si les prostituées et autres travailleuses du sexe représentent la pute, et par définition sont coupables, les autres femmes sont toujours suspectes. Instrument de contrôle efficace, le stigmate pute réaffirme la tendance sexiste à vouloir attaquer toute femme ou groupe de femmes considérées trop autonomes, par résistance ou par expression - et ce, particulièrement au niveau de l'autonomie ou de l'expression sexuelle. Qui plus est, selon Thiboutot, ce stigmate pervertit le langage des travailleuses du sexe. Par exemple, lorsqu'elles énoncent vivement le slogan "Mon corps c'est mes affaires!", ceci n'équivaut pas, de leur point de vue, à "vendre son corps" et ne saurait être comparé à la vente d'organes. Cette dernière comparaison, apparemment, ne correspondrait pas à l'expérience des femmes qui pratiquent une forme ou une autre de travail du sexe. En effet,

celles-ci n'expérimentent pas une perte irréversible de quelque chose de profondément essentiel et vital à leur corps et à leur personne à travers la pratique du travail du sexe. L'idée que l'on se fait d'une telle perte a plutôt à voir avec la définition sociale d'une pute, d'une femme déchue, c'est-à-dire d'une femme qui a perdu respectabilité et légitimité à cause de son comportement sexuel transgressif30.

En revanche, la perspective féministe abolitionniste préconise des idées contraires : qu'en nommant les femmes travailleuses du sexe,

on ignore la violence, la pauvreté et l'oppression, qui les mènent à la prostitution et qui les y confinent. On légitimise également l'industrie de la prostitution comme secteur économique au lieu de la voir comme un système d'exploitation qui détruit la vie de millions de femmes et de filles chaque année31.

Selon Ekberg, le lobby de la prostitution voudrait faire croire qu'elle est une libération sexuelle pour les femmes et qu'elle leur permet d'exprimer pleinement leurs fantasmes sexuels. Toujours dans cette optique, ceci serait une fausse analyse basée sur l'acceptation inconditionnelle du concept libéral de choix individuel qui sous-entend que les femmes sont violées seulement si elles ne consentent pas au viol.

Quand une femme a été utilisée comme un objet sexuel par les hommes depuis son enfance, elle intègre peu à peu le message à l'effet que sa valeur n'est que le sexe. Son corps ne lui appartient plus et son respect et sa confiance en elle sont détruits par les auteurs de son assujettissement. Parler de choix dans ce contexte est en même temps cruel et insensé32.



Le droit de dire 'non', le droit de dire 'oui' et le droit de dire 'je charge tant'

Les deux perspectives féministes situent le trafic des personnes et l'immigration des femmes liée au travail à l'intérieur du contexte des rôles féminins traditionnels, des désavantages structurels dont les femmes sont l'objet dans un marché du travail sexué et de la féminisation de la pauvreté à l'échelle mondiale33. Là encore, il y a clivage et affrontements...

Pour le mouvement des travailleuses du sexe, il faut lutter contre la violence, la pauvreté et l'oppression, et donc contre les politiques économiques, nationales et internationales qui accroissent la pauvreté des femmes et qui ont un impact sur leurs conditions de vie. Il faut lutter pour la reconnaissance et la légitimité du travail formel et informel des femmes. Il faut questionner les politiques d'immigration des pays occidentaux qui réduisent les capacités des femmes d'immigrer et de travailler légalement. Il faut encourager l'application des lois et les efforts pour arrêter la fraude et la coercition dans l'embauche et le recrutement des femmes, que ce soit dans le cadre du travail domestique, manufacturier ou du sexe. Toutes les travailleuses devraient être protégées des situations d'exploitation, mais cela doit être fait via des lois contre les abus et non pas des lois contre la prostitution. Il faut s'assurer que les droits humains des femmes en tout temps et en tout lieu sont respectés : le droit à un travail salarié, le droit d'immigrer, le droit à de bonnes conditions de travail, le droit à la dignité. En somme, pour le mouvement des travailleuses du sexe, revendiquer la reconnaissance du travail des femmes, même si ce travail est lié aux rôles traditionnels et aux institutions patriarcales, c'est affirmer que "ce travail-là n'est pas banal" et c'est favoriser sa transformation dans l'intérêt de toutes les femmes34.

Pour la position féministe abolitionniste, ces droits ne peuvent être accordés à ceux et celles qui participent au maintien d'une institution patriarcale, la prostitution, qui rend possible et exige la traite et le marché du corps des femmes; il faut revendiquer "le droit de ne pas se prostituer"35. Il importe donc de ne jamais dissocier la prostitution des autres formes de violence masculine contre les femmes et les filles, ni de l'assujettissement systémique des femmes par des hommes dans tous les pays du monde.

En guise de conclusion, il m'a paru important d'étayer ces différences (trop souvent) irréconciliables, tant sur le plan épistémologique qu'au niveau de l'action politique, dans le cadre de ce Colloque. J'ose espérer que les féminismes remis en cause ici pourront intérioriser toutes leurs marges et se nourrir d'une nouvelle définition (plus inclusive) de la citoyenneté des femmes. J'ose espérer que toutes les femmes pourront s'exprimer et être entendues à leur juste valeur, comme des citoyennes à part entière...

Si la citoyenneté peut accommoder la diversité et éviter de limiter les droits de certaines, elle ne doit donc pas être unidimensionnelle, conçue comme étant un "statut" étroitement défini. Si la citoyenneté peut être définie de manière plus flexible, comme une "relation" dynamique qui reflète les diverses facettes de l'individu dans un monde démocratique de plus en plus complexe... Et si l'individu peut être membre de plusieurs communautés à la fois - par exemple, être à la fois féministe et prostituée - ses allégeances multiples ne doivent pas nécessairement être conflictuelles36, mais au contraire, productives, fructueuses et génératrices de nouveaux rapports de force et de lieux de savoir.

Alors, à titre de citoyennes féministes, nous avons le devoir de travailler à créer un monde sans exploitation; où la sexualité et le travail des femmes n'est plus assujettie aux tabous, aux contrôles, aux violences matérielles et symboliques des discours dominants, tant patriarcaux que féministes. Nous avons le devoir surtout, de mener à terme les revendications réelles de toutes les femmes.

Ainsi, tout comme les citoyennes féministes et travailleuses de l'industrie du sexe dont on cherche sans cesse à trafiquer la parole, nous avons : "le droit de dire 'non', le droit de dire 'oui' et le droit de dire 'je charge tant'"37.



Mis en ligne le 15 septembre 2002 par Nicole Nepton
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