La crise
Depuis quelques mois, la communauté internationale est interpellée par les événements qui ont
cours en Haïti. La situation actuelle est très chaotique, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le départ du président
Jean-Bertrand Aristide, la prise de contrôle de la moitié du territoire
haïtien par les groupes rebelles issus de la dictature et l'intervention de l'ONU nous font souvent
oublier que l'opposition démocratique est unie en Haïti pour la première fois de son histoire,
et que les principaux groupes de femmes du pays y adhèrent. On a tendance
aussi à oublier, et les reportages sont une fois de plus muets sur la question, que la
généralisation de l'impunité qui prévaut dans ces situations de vide de pouvoir sont particulièrement douloureuses pour les femmes,
les enfants et les personnes âgées, qui en sont encore trop souvent les premières victimes :
les cas de viols et de violence à l'endroit des femmes se multiplient, que ce soit à la maison
ou dans la rue, et leurs auteurs restent impunis. L'insécurité sur les plans personnel et alimentaire s'est dégradée,
comme s'il était possible en Haïti qu'elle se dégrade encore plus. Bien sûr, en dépit de ces circonstances,
les femmes doivent toujours répondre aux besoins de base de leur famille, prendre soin des enfants
et des personnes adultes dépendantes, malades ou âgées, dans des villes occupées ou sans sécurité,
alors que l'approvisionnement
en nourriture se fait plus difficile ou impossible.
Les nouveaux acteurs apparus récemment sur la scène politique haïtienne ne permettent pas de diminuer
les inquiétudes de tout un chacun. En effet, le Front de Résistance anti-Aristide des Gonaïves
aurait été rejoint par Louis Jodel Chamblin, personnage bien connu en Haïti, autrefois à la tête
du FRAPH, un groupe paramilitaire putchiste très présent lors de la répression de 1991-1994.
De plus, l'ancien directeur de la police d'un département du Nord, Guy Philippe, soupçonné,
lors des élections de 2000, de préparer un coup d'État, a rejoint les rangs des rebelles.
Les femmes, particulièrement, ont en mémoire les durs événements qu'elles ont vécus au cours de
ces périodes.
L'opposition démocratique au régime est formée d'étudiant-es,
d'organisations citoyennes, d'entrepreneurs privés, de groupes de femmes, de groupes syndicaux,
paysans et autres. Ils ont réclamé le départ du président Aristide, responsable de l'apparition
d'un système de terreur et d'intimidation mis en place par les "chimères", bandes paramilitaires
armées à la solde de son parti, la "famille Lavalas". Mais tandis que
les groupes armés contrôlent la majeure partie du territoire, un rapport qu'Amnistie
internationale publiait en juin note que la Force intérimaire multinationale en Haïti
n’a guère coopéré avec la Police nationale afin de garantir
la sécurité et qu'elle n’a pratiquement rien fait en vue d’établir un plan global de désarmement.
Articles reliés :
Femmes des Amériques : Haïti, Le blogue cybersolidaire
General strike in Haiti capital answers UN repression, Workers World, 30-12-04
Catastrophe en Haïti : la misère ne vient pas du ciel, Convergences révolutionnaires, 30-09-04
Appel à la solidarité avec Haïti, 23-09-04
États-Unis - Haïti, Noam Chomsky, 28-03-04
L'hôpital ou l'abandon, Gil Courtemanche, 13-03-04
Tintin au Congo… ou en Haïti, Pierre Beaudet, 09-03-04
En Haïti, un État à reconstruire, Christophe Wargny, 04-03-04
Questions sur la tragédie haïtienne, Pierre Beaudet, 04-03-04
La mort médiatique d'Aristide, Réseau Voltaire
L'État policier d'Aristide : L'ONU doit porter le plus grand fardeau de la crise, Roland Boutin, 28-02-04
Dossier de Syfia International
10 mesures pour un plus grand respect des droits humains, AI, 17-12-03
L'Agronome : un documentaire sur Jean Dominique
Radio-Canada : Un pays ne meurt jamais - Un pays dans l'impasse
Matoubor. Haïti 1986-1994, Cécile Marotte, 2004
Pour suivre l'actualité de la crise :
AlterPresse -
Agence haïtienne de presse -
Haiti Support Group -
RISAL -
90.5 Signal FM
Les femmes pour la reconstruction et contre l'occupation
Le 3 avril 2004, à l'initiative de la Coordination nationale de plaidoyer pour les droits des femmes (CONAP),
plus de 500 femmes et hommes se réunissaient à la Place Catherine Flon au Champ
de Mars pour commémorer la journée nationale des femmes. Dans une ambiance de fête, les femmes ont réaffirmé leur volonté citoyenne
de reconstruire le pays déchiré par 200 ans de luttes fratricides et par 18 ans de transition
stérile (1986 - 2004). Invoquant Catherine Flon,
héroïne de l'Indépendance qui avait cousu le
premier drapeau haïtien en 1803, les féministes ont demandé au peuple haïtien de s'inspirer
de son geste pour recoudre le tissu social aujourd'hui en lambeaux.
"Nos mauvaises pratiques politiques nous ont conduit tout droit vers l'abîme et ont fourni à
l'étranger le prétexte pour nous occuper une troisième fois. Quelle gifle pour
les héroïnes et héros de notre indépendance... Nous les femmes, aujourd'hui, nous décidons
de reprendre la mission que nos ancêtres nous ont laissée. Nous allons recoudre notre drapeau,
c'est-à-dire reconstruire notre pays dévasté."
Tout au cours de cette commémoration, les cris de "À bas l'occupation, Vive une Haïti libre!,
Nous voulons la coopération et non l'occupation" ont été répétés à maintes reprises
par l'assistance, dont plusieurs étudiant-es ayant lutté pour chasser l'ex
président du pouvoir. Un des moments forts a été la scène émouvante
de la reprise du drapeau déchiré, symbolisant la patrie divisée. Pendant 10 minutes,
des femmes et des hommes ont raccommodé un
grand drapeau bleu et rouge, déployé auparavant par la danseuse Florencia Pierre
du groupe Dyakata qui venait d'exécuter une danse traditionnelle.
Trois membres du gouvernement de Gérard Latortue - Adeline Chancy, ministre de la Condition féminine et
aux Droits de la femme, Magalie Comeau Denis, secrétaire d'État à la Culture,
et Yves André Wainright, secrétaire d'État à l'Environnement - sont venus
encourager les femmes qui en ont profité pour rappeler leurs desiderata en
faveur de la reconnaissance de la participation des femmes à la lutte pour l'indépendance nationale.
"Nous profitons de la présence de Mme Chancy pour demander que soit érigé le plus tôt que possible,
ici sur cette place où nous sommes au Champ de Mars, un monument en hommage à Catherine Flon",
a martelé Myriam Merlet de l'organisation Enfofanm (Info femmes).
Les femmes ont également repris leurs revendications contre toutes les formes de violence à l'égard
du sexe féminin, en faveur de la fin de l'impunité, de mesures économiques efficaces
pour lutter contre la féminisation de la pauvreté, de services de santé, d'emplois,
du droit à la syndicalisation, de la participation des femmes dans toutes les sphères de décision, etc.
La cérémonie s'est terminée devant le Palais de Justice en direction duquel
les participant-es ont marché le drapeau recousu sur la tête, scandant des slogans contre la
présence de militaires étrangers dans le pays.
En 2000, un groupe de féministes décrétait le 3 avril journée nationale
des femmes haïtiennes, en souvenir de la première grande manifestation qu'elles ont
organisée à la même date en 1986, après la chute du dictateur Jean Claude Duvalier. Depuis,
eles n'ont pas cessé d'exiger que les fondatrices de la nation soient officiellement
représentées à la place des Héros de l'indépendance, où l'on ne trouve que
des monuments exclusivement consacrés à des hommes, alors que beaucoup de femmes ont joué
un rôle très actif dans la lutte pour l'indépendance
proclamée le 1er janvier 1804.
Source : Colette Lespinasse, 05.04.04
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Haïti le dos au mur, Sally Burch, 30-04-04
La patiente impatience, Nancy Roc, 21-04-04
Adoption d’un consensus de transition politique, 06-04-04
Incidents impliquant la force internationale,
Coalition nationale pour les droits des Haïtiens, 22-03-04
Manque de sécurité dans le Nord, Human Rights Watch, 22-03-04
Pour une véritable construction nationale basée sur des principes de droit
La Coordination nationale de plaidoyer pour les droits des femmes (CONAP) observe avec satisfaction
que les différents secteurs appelés à former le Conseil des Sages s'activent à désigner leurs
représentants et représentantes au sein dudit Conseil. Ce faisant, ces composantes de la société
haïtienne démontrent leur volonté de prendre en main notre destin collectif. La CONAP applaudit
d'autant plus ces nominations que, préoccupée par les différentes tentatives de mise sous tutelle
de notre pays, elle demeure convaincue que la constitution d'un Conseil de Sages qui soit une
véritable émanation nationale peut constituer un pas vers la reprise du contrôle national dans
la difficile situation que nous traversons. L'ensemble des forces vives de la nation doit prendre
conscience de l'importance du rôle que le Conseil des Sages est appelé à jouer. Tout en réclamant
l'inclusion d'autres secteurs pour assurer une meilleure représentativité de la nation, la CONAP
exhorte toutes les organisations du pays à appuyer cette instance afin qu'elle puisse véritablement
accomplir sa mission.
La CONAP est vivement préoccupée par la volonté des communautés internationales d'imposer une solution
factice à la crise conjoncturelle que traverse le pays. Non satisfait d'occuper militairement le
territoire national et d'avoir évacué les populations du processus de démission de l'ancien dictateur,
qui en partant s'est assuré de la mise en place d'un scénario de chaos total, les pseudos Amis d'Haïti
imposent la présence de membres influents d'un régime décrété hors-la-loi par l'ensemble des forces
vives de la nation. Messieurs Yvon Neptune et Lesly Voltaire sont des responsables directs de
plusieurs actes de répression sauvage sur les populations et de la corruption qui s'est érigée
en système durant le règne Lavalas. La CONAP comprend très mal comment de tels individus peuvent
prétendre jouer un rôle constructif dans un processus de transition. Une véritable reconstruction
doit catégoriquement divorcer avec des pratiques d'impunité! Ces hauts dignitaires de Lavalas
doivent répondre de leurs crimes contre les populations haïtiennes avant de prétendre jouer un
rôle quelconque dans la gestion du pays. La CONAP exige la mise en mouvement de l'action publique
contre tous les membres de l'ancien régime hors-la-loi.
L'action publique doit être mise en mouvement contre les hors-la-loi de tout acabit. Une enquête
sérieuse doit être enclenchée dans les meilleurs délais sur les actions des différents groupes et
corps armés. Tous les commanditaires, auteurs et complices des exactions de ces différents groupes
et corps armés doivent êtres identifiés. Toutes les zones d'ombre sur la présence des corps armés,
venant embrouiller la situation des derniers jours, devront être éclaircies afin de permettre aux
populations d'être édifiées sur les rôles des différents acteurs de la crise et de sa soi-disant
résolution. Tout comme de larges composantes de la population, la CONAP ne saurait accepter la
réapparition de membres du FRAPH - Front révolutionnaire pour l'avancement et le progrès haïtien -
et de l'ancienne Armée d'Haïti comme des faits endogènes.
Quel que soit le rôle joué par ces forces armées dans la crise actuelle, rien ne saurait justifier
la restauration de fait de l'Armée d'Haïti. Cette question doit faire l'objet d'un débat national.
La nation haïtienne doit pouvoir s'entendre sur les missions des forces de sécurité et surtout sur
les mécanismes de fonctionnement et de contrôle, afin d'éviter la réédition d'une situation de perversion
de ces forces, avec une main mise par un groupe politique.
La CONAP exhorte une fois de plus toutes les composantes de la société haïtienne à divorcer d'avec
des pratiques politiques qui ne font que conduire notre nation à sa perte. Nous devons nous donner
les moyens d'une véritable construction nationale basée sur les principes de droit.
D'autres pratiques politiques sont nécessaires pour que vive la nation haïtienne!
Myriam Merlet pour la CONAP, Port-au-Prince, 03-03-04
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Mis en ligne le 1er novembre 2003 par Nicole Nepton Mis à jour :
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