Le combat de la Ligue des droits de la femme pour les institutrices rurales sera relayé par l'une
d'entre elles : Laure Gaudreault.
Celle-ci commence sa lutte en écrivant dans un journal de Chicoutimi sous le pseudonyme de Cousine Laure.
En 1937, elle réussit à constituer le
premier syndicat d'institutrices,
la Fédération catholique des institutrices rurales, et publie La Petite Feuille, premier journal syndical féminin, où elle s'occupe principalement
d'organisation et de mobilisation. Dans le texte suivant, elle relie les difficultés des institutrices
rurales au fait que les femmes n'ont pas le droit de vote.
Les petites institutrices rurales qui commençaient à relever un peu la tête depuis que le Comité
Catholique de l'Instruction publique a fixé à trois cents dollars leur salaire minimum, recommencent
à courber le front depuis que les journaux nous ont appris que l'honorable Secrétaire provincial
doit proposer à la législature un amendement à l'effet de réduire à $250 le dit salaire minimum.
Ces messieurs du gouvernement ont sans doute les meilleurs intentions du monde, encore que les
bonnes intentions ne constituent pas toujours ce qu'il y a de meilleur en ce monde, puisque,
disent les moralistes, l'enfer est pavé d'icelles : ils ont donc les meilleures intentions du monde.
Ils veulent, en ménageant le budget des municipalités rurales, ménager la susceptibilité des électeurs.
Quant à l'institutrice, qui n'a point droit de suffrage, on n'en a cure. Elles restent donc, les
pauvres petites institutrices rurales, les éternelles sacrifiées. C'est beau et noble et bon de
se sacrifier, mais j'estime que l'institutrice rurale subit trop passivement son sort. Il lui faudrait relever la tête, consciente de sa valeur et du rôle important qu'elle joue en tant
que mandataire des parents.
Etrange anomalie! Les parents, l'Etat, confient à la petite institutrice ce qu'ils ont de plus précieux :
les premiers leurs enfants et les seconds, les citoyens futurs, et l'institutrice, la petite
institutrice, est traitée par les uns et par l'autre, comme une quantité pitoyablement négligeable,
comme la dernière des mercenaires! Liée par un contrat, elle n'a même pas le loisir, comme la plus humble de petites servantes, de
quitter la place lorsqu'elle "n'en peut mais" sous le poids des critiques et des injustices
dont elle a souvent plus que sa mesure.
Et tout cela pourquoi? Monsieur Edouard Boily, inspecteur régional des écoles de ce district
a prononcé en 1931, lors d'une journée pédagogique tenue à Jonquière, une parole grosse de sens
à ce sujet : Parlant du maigre salaire payé aux institutrices, il ajoutait : "Ce qui ne coûte
pas cher est à bon droit considéré comme peu de valeur. L'institutrice serait mieux considérée,
mieux respectée si on lui payait un salaire plus considérable, plus respectable!" [...]
Ce n'est point de la politique que je fais ici. C'est une mise au point nécessaire. Et je fais
appel à toutes les institutrices de notre région, les priant de s'unir pour obtenir une plus équitable
rémunération de leur travail et de leur dévouement. Et d'insister à temps et à contretemps,
afin que ce salaire minimum de $ 300 reste tel qu'il a été sagement et opportunément
déterminé par le Conseil de l'Instruction Publique.
[Source : Le Progrès du Saguenay, 9 avril 1936, p. 6.]
REPÈRE : 1945 : Adoption de la Loi établissant le salaire minimum des enseignant-es