Plus d'un demi-siècle après avoir obtenu le droit de vote au fédéral,
trois Québécoises sont élues
à la Chambre des communes en 1972 et réélues en 1974 :
Monique Bégin,
Albanie Morin et
Jeanne Sauvé.
Au provincial, l'attente aura duré 21 ans, jusqu'à l'élection de Claire Kirkland-Casgrain en 1961.
Chaque événement suscite des anecdotes mémorables : à Québec, les "gendarmes" tentent d'obliger
Claire Kirkland-Casgrain à porter un chapeau, selon le règlement
de l'Assemblée législative. En 1972, Monique Bégin et Albanie Morin sont accueillies au Parlement d'Ottawa par cette exclamation,
"Ladies upstairs!", puisque les femmes doivent "normalement" monter dans la galerie des visiteurs!
La Fédération des femmes du Québec profite
des élections pour faire l'éducation politique
de ses membres. Siéger au Parlement n'est pas suffisant : la FFQ prépare des dossiers qui permettent
d'évaluer les positions des candidats et candidates de chaque parti sur les questions qui intéressent
les femmes. Dans le Bulletin, à l'occasion
des élections de 1974 à Ottawa et de 1976 à Québec,
on réitère l'importance d'augmenter le nombre de femmes en politique. Nous avons réuni ici deux
textes publiés après ces élections.
[...] Pour assurer le progrès des femmes en politique, il faudra :
- Intensifier notre action; le regroupement de femmes ne saurait s'y soustraire et pour la F.F.Q. c'est la suite d'un engagement pris lors de son congrès de juin 1972.
- Continuer d'exercer des pressions auprès des partis politiques afin qu'ils augmentent le nombre de leurs candidates.
- Encourager des femmes à s'engager à tous les niveaux politiques.
- Inciter les femmes à s'inscrire à des cours d'éducation politique et les réclamer partout où ils sont inexistants.
- Porter à l'attention des députés, des femmes députés et des ministres toute question nécessitant des changements.
- Informer et sensibiliser la population en général.
Voilà quelques moyens auxquels je vous laisse le soin d'ajouter les vôtres afin d'assurer une
préoccupation constante des femmes à la dimension politique. Sans une action vigilante les
progrès pourraient s'avérer éphémères. [...]
"Les femmes ont été plus présentes que jamais dans la campagne électorale qui s'achève". Ainsi débutait la chronique de Renée Rowan, le lundi 15 novembre, jour du scrutin. Et dans mon esprit, il ne fait aucun doute que la F.F.Q. a contribué à cette présence dans une large mesure, surtout si on tient compte qu'elle fut le premier mouvement à réagir au nom des femmes. Cependant, les progrès réalisés demeurent nettement insatisfaisants et l'action entreprise par la F.F.Q. doit se maintenir, puis s'affermir davantage.
Il est encore trop tôt (au moment où nous écrivons ces lignes, nous sommes au lendemain de l'élection) pour évaluer véritablement l'action de la F.F.Q. lors de la campagne électorale. Tout de même, en se référant aux deux grands objectifs que nous nous étions fixés : accroître la participation des femmes en politique et attirer l'attention sur les problèmes qui touchent les femmes, on peut dès maintenant dégager quelques réflexions. De plus, quelques articles du présent Bulletin compléteront les commentaires qui suivent.
L'intervention de la F.F.Q. dans les médias, encore trop limitée, bien sûr, a eu ses effets et a suscité des remarques très positives. L'annonce que la F.F.Q. a fait paraître dans le Devoir
du 29 octobre et dans le Montréal-Matin du 30 octobre ont pris place dans les locaux de plusieurs
associations politiques et dans quelques milieux de travail. Cependant, sauf rares exceptions,
on ne saurait dire que la presse a couvert adéquatement l'intervention des femmes. A titre d'exemple,
la conférence de presse, tenue par la coalition NPD-RMS pour diffuser le programme de ce parti
concernant la condition féminine, a attiré les représentants de trois journaux mais la presse
électronique était totalement absente. Les 50 dossiers de la F.F.Q. envoyés à la Galerie
de la presse à Québec n'ont eu, à ma connaissance, aucun écho.
N'eût été l'intervention des femmes, les points touchant la condition féminine dans les différents
programmes de partis seraient passés tout à fait inaperçus. Partant de l'expérience vécue lors
d'une soirée des femmes à Ville d'Anjou et d'une rencontre de cuisine, j'ai pu saisir l'ignorance
quasi totale des candidats sur les questions concernant la condition féminine. On a entendu des
réponses telles que : "Je vous avoue que je ne suis pas très au courant de la situation des
comités d'avortements thérapeutiques, il faudra que vous me renseigniez davantage".
A un autre candidat, on faisait remarquer qu'il n'avait pas tenu compte, dans son exposé, des aspects
touchant les femmes. En réponse, "Mais, oui, j'ai parlé de l'indexation des allocations familiales
et de la gratuité des soins dentaires pour les enfants de 10 ans et moins". C'est une vue bien
courte de 14 problématiques féminines! Des bonnes intentions inscrites dans les programmes
des partis aux préoccupations et réalisations concrètes, il y a encore un bon bout de chemin
à parcourir. Tout en reconnaissant que les femmes deviennent de plus en plus actives dans les partis
politiques, il n'en demeure pas moins qu'elles devront manifester encore plus de détermination et
de solidarité pour faire avancer la situation des Québécoises.
Il y a lieu de se réjouir de ce que l'on vient de briser la solitude de la
femme-député-de-l'Assemblée-nationale. Elles sont maintenant quatre dont trois au pouvoir.
Ce n'est certes pas une percée. Bien décevant fut le nombre de candidates en lice dans cette
dernière lutte électorale : à peine 8%, constituant ainsi une augmentation insignifiante par
rapport aux élections de 1973, dont le pourcentage s'établissait à 6,2%. Au lendemain de la
victoire péquiste, l'éditorialiste Marcel Adam du journal La Presse note : "Avec l'élection d'hier
le Québec a pris un tournant historique majeur". Puisse la prochaine élection marquer un autre
tournant historique, cette fois, en établissant l'équilibre hommes-femmes à l'Assemblée nationale.
Et c'est dès maintenant qu'il nous faut préparer ce changement.
Le nouveau gouvernement ne doit jamais oublier que les femmes ont grandement contribué à sa victoire
puisqu'elles constituaient plus de la moitié des militants péquistes. Il doit aussi se souvenir
que l'amélioration de la situation des femmes fait partie de l'amélioration de la qualité de la
vie pour tout le monde. Nous écouterons avec la plus grande attention le message inaugural de
la 31e Législature.
[Source : Bulletin de la Fédération des femmes du Québec, août 1974 et novembre 1976.]