par Brigitte Verdière
Le 22 mai 2003, le Conseil de sécurité de l'ONU levait les sanctions
contre l'Irak (pdf). La voie du commerce est désormais ouverte aux firmes occidentales qui ne pensent qu'à profiter
de l'état de délabrement du pays, délabrement auquel les Occidentaux ont largement participé.
Combien sont-ils : 500.000, 1 million? de ces enfants morts faute de nourriture et de médicaments,
victimes directes de l'embargo économique imposé par les États-Unis sur l'Irak?
Je sais, le débat des chiffres n'a pas de sens. À partir du moment où l'horreur est là, quelle que
soit son ampleur, elle est condamnable. Les États-Unis ont assiégé un pays à genoux sur les motifs
fallacieux qu'il représentait un danger pour la sécurité mondiale. Ce qu'ils n'ont jamais réussi
à prouver, mais personne, aucun État, aussi engagé fût-il contre la guerre, n'a songé à lui
demander des comptes.
Les organismes humanitaires, les groupes de soutien, pacifistes, féministes, les médecins, et j'en passe,
ont joué comme il faut leur rôle de poil à gratter à l'époque de l'embargo, en dénonçant ses effets
dévastateurs sur des milliers d'enfants et de femmes hospitalisés, souffrant de la faim, du manque
de médicaments, d'une hygiène déficiente. Maintenant, elles réclament des sous pour panser les dégâts
suscités par la guerre qui, elle, a coûté des milliers de dollars US, mais pour cela, personne non
plus ne songe à demander des comptes.
Je sais très bien ce qui est en cause dans la guerre en Irak : d'une part, un enjeu économique,
représenté par le pétrole (rappelons que le monde occidental industrialisé représente 25% de la
population mondiale mais consomme 75% de ses ressources énergétiques); de l'autre, la croisade
de l'homme blanc christianisé contre la montée de l'Islam. Je ne prendrai parti ni pour l'un
ni pour l'autre. La religion est sortie de mon univers il y a tellement longtemps que j'ai
toujours du mal à suivre les gens qui agissent en son nom, surtout quand ils agissent à
l'encontre des autres, pour imposer leur domination. Je hais les guerres de religion, les extrémismes,
les fanatismes. Je déteste l'arrogance, les gens qui veulent imposer leur façon de voir
à tout le monde, quitte pour cela à utiliser les moyens les plus barbares.
C'est à cette arrogance-là que Bush junior participe. Mais il n'est pas le seul président des
États-Unis à agir ainsi, même s'il semble un peu plus (fou) furieux que les autres. Cette
arrogance s'est notamment manifestée lors de la mise sur pied de la
Cour pénale internationale, les États-Unis soustrayant ses nationaux à
sa compétence. Et la communauté internationale a plié.
Et nous, me direz-vous, que pouvons-nous faire? Beaucoup de choses, et peu. Écrire des lettres,
signer des pétitions, comme le demandent de plus en plus tous les organismes défendant
une cause, instaurer des tribunaux populaires, défiler dans les rues, informer. Rappelez-vous :
les Étatsuniens ont perdu la guerre du Vietnam avec la publication de la photo de cette petite
fille brûlée au napalm, courant nue dans les rues de Trang Bang. L'opinion publique
étatsunienne a enfin réalisé ce que cette guerre signifiait vraiment pour les populations civiles, et tout a basculé.
Un pas en avant, deux pas en arrière
Quand j'étais jeune et que je participais à beaucoup de manifestations, on se mettait à quatre cinq,
bras dessus bras dessous et, ainsi liés, on avançait puis on reculait. Notre chansonnette était :
"un pas en avant, deux pas en arrière, c'est la politique du gouvernement". Finalement, on croit
qu'on en sait plus à l'heure d'Internet mais les choses n'ont guère changé. Seuls
les gouvernements ont changé. Je ne voudrais pas tomber dans le travers de tout mettre à "la sauce de la mondialisation",
mais c'est vrai qu'avec l'amplification des réseaux financiers internationaux, avec les politiques
commerciales agressives que mènent les multinationales (pour la plupart blanches, nord-américaines
ou européennes), les gouvernements ont de moins en moins de poids dans les décisions
qui influencent concrètement la vie des gens. La vôtre, la mienne.
Dans ce sens-là, les gouvernements ont changé : ils se sont atrophiés. Les
participant-es aux sommets
des peuples, forums sociaux ou à toute autre rencontre de ce type arrivent avec des revendications
qui ramènent tout au local. La communauté comme refuge. La communauté comme seul lieu où
l'action a de l'effet. Tenons-nous en à cela, si au moins sur cela nous avons prise. Mais sans
oublier le monde autour de nous et que la plupart des décisions sont, en chaîne inévitable,
reliées à des décisions prises à un niveau lointain.
C'est un peu cela que nous tentons de vous dire, à Cybersolidaires. Que cela vaut la peine d'agir ici,
mais d'agir ailleurs aussi. Quand il a lancé, en 1964, sa formule "le message c'est le médium"
et prédit, bien avant Internet, que le monde deviendrait, grâce aux communications, un "village global",
Marshall McLuhan faisait office de
visionnaire. Des années plus tard, le merveilleux monde des TIC devenant une réalité, du moins
dans les pays industrialisés, il est temps de s'en emparer pour dénoncer, ensemble, par des
millions de voix interposées, ces politiques qui nous dérangent. Et demander aux véritables
responsables des maux que nous dénonçons de rendre enfin des comptes.