par Brigitte Verdière
C'est curieux comme l'on s'intéresse peu au droit. Je veux dire, au fond du droit, au texte.
Prenez un contrat d'assurance, de logiciel, de location de matériel… C'est bourré d'articles
qui nous engagent parfois très loin, ne fût-ce que sur les conditions de résiliation, et pourtant,
nous ne les lisons pas. Ou pas souvent. Et si nous les lisons, nous ne les comprenons pas
nécessairement. Pourtant, le droit, lui, s'occupe de nous. Il est comme les impôts. Il
s'intéresse à nous, le droit, même si nous ne le sollicitons pas. Il a horreur du vide, le
droit. Il comble tous les trous, les blancs, cela s'appelle s'appliquer par défaut ou une
formule similaire.
Je suis comme vous, je ne connais pas bien mes droits. Ni mes devoirs d'ailleurs. Pourtant nous
l'invoquons sans cesse le droit. Celui de s'exprimer librement, de manifester, d'écrire, d'aimer,
d'habiter où l'on veut, de manger ce que l'on veut, etc. Nous avons aussi plein de références.
Par exemple : la Déclaration universelle
des droits de l'homme adoptée par l'ONU en 1948 (voyez ce que les Étatsusiens en font
des Nations Unies et des nombreuses décisions du Conseil de sécurité. J'en connais quelques-unes
qui ont été émises sur le retrait israélien des territoires arabes depuis quelque 20 ans et qui
ne sont pas appliquées).
Un autre exemple : la Cour pénale internationale. Là aussi, les États-Unis ne
sont pas les meilleurs élèves. Et il y aurait plein d'autres exemples, avec d'autres pays. Mais ce n'est pas une raison pour dénigrer
le droit, bien au contraire. Il y a énormément de beaux textes, internationaux ou non
(la Charte
canadienne des droits et libertés, la Charte des droits et libertés
de la personne du Québec, par exemple). De même concernant les femmes. Au niveau international,
il existe des protocoles internationaux, des conventions, qui doivent éliminer toutes les discriminations
envers les femmes. Je vous renvoie au site où vous pourrez lire le
texte entier de la
convention onusienne. Honnêtement, je n'en ai lu que quelques articles. Dans certains pays, il existe aussi
le droit à l'avortement libre et gratuit, le droit à une défense gratuite quand on est attaquée et
qu'on n'a pas les moyens de se payer un avocat, le droit aux soins de santé gratuits, l'égalité
dans le couple, l'autorité partagée face aux enfants, etc. Je vous entends frémir. Quoi! Cela existe!
Oui, cela existe, en théorie et en pratique, de manière imparfaite, certes, mais il faut toujours
se battre pour améliorer le système et pour le faire appliquer réellement, et pour le réformer,
dans les textes.
Cette bataille, de nombreux groupes de femmes la mènent dans le monde. Ce qui m'avait frappé
lorsque je rédigeais le bilan de la Marche mondiale des femmes en 2002, c'est l'emphase que
mettaient les groupes à inclure de nouveaux droits et condamnations dans les lois : pour
un mariage civil (Turquie, Liban), contre
la violence conjugale (Mozambique, Pérou, Luxembourg...), pour le droit au logement,
à l'alimentation, etc. Parallèlement, les femmes réclament
d'être mieux représentées pour mieux être comprises,
que ce soit dans les forces de police, de santé, les tribunaux, etc. La profession du droit
s'est beaucoup féminisée ces dernières années. Mais si l'on regarde, par exemple, les champs
d'activité où exercent les femmes, l'on constatera qu'elles sont très présentes en matière
familiale et matrimoniale (comme en médecine) et beaucoup moins dans d'autres secteurs.
Certaines juristes vous parleront aussi des batailles difficiles qu'elles mènent pour
siéger à des postes de responsabilité. L'Association
du Barreau canadien promeut toutes formes d'égalité au sein de la profession.
Je vous reparlerai bientôt du droit, de nos droits, et particulièrement de celui de
l'accès
des femmes à l'aide juridique, en matière matrimoniale, au Québec. C'est une de mes nouvelles
batailles, que nous mènerons avec Inform'Elle, une OSBL de la Rive-Sud de Montréal (Québec)
qui fête ses 25 ans cette année. Elle
"fait" de l'information juridique, comme on dirait
couramment : ligne téléphonique d'information, conférences, ateliers, publication d'un
fichier juridique. En anglais, on appelle cela legal literacy.
Il existe de nombreux autres organismes qui agissent pour promouvoir le droit des femmes dans le
monde. Je n'en citerai qu'un, l'International Human Rights Law Group (IHRLG).
Son programme femmes promeut l'inclusion d'une perspective genre dans les lois. Cette ONG
décortique aussi les lois pour que les femmes s'en emparent. Un des axes est la défense des
femmes dans des contextes culturels qui ne leur
sont pas favorables, comme l'Islam. Si je
vous parlais encore de la Marche mondiale des femmes, je vous citerais les nombreuses juristes
et associations de juristes qui s'y sont impliquées, mais j'arrêterai là.
J'ai fait le tour de la question qui m'intéressait aujourd'hui, celle de l'information,
de la connaissance de nos droits. De cela aussi, c'est sûr, je vous reparlerai.