S O N I A   G A N D H I   E T   L E S   É L E C T I O N S   I N D I E N N E S 15-08-04



Sonia Gandhi ne sera pas première ministre de l'Inde

Sonia Gandhi Après la victoire de son parti, le Congrès national, lors des élections qui se déroulaient du 20 avril au 10 mai 2004 - les derniers résultats accordent 216 sièges au Congrès et à ses alliés et 62 à la gauche tandis que le Bharatiya Janata Party (BJP ou Parti du peuple indien) et sa coalition chutent à 187 députés - "Sonia l’Italienne" était en voie de devenir la nouvelle première ministre de l'Inde. Le 16 mai, Sonia Gandhi, 57 ans, faisait un pas supplémentaire vers le pouvoir en étant élue cheffe du groupe parlementaire de son parti. C'est la 4e membre de la famille Nehru-Gandhi à régner sur ce parti de droite, mais moins ouvertement raciste, castéiste et anti-musulman que le BJP qui vient de perdre le pouvoir. Mais le 18 mai, elle renonçait à être première ministre. Cependant, même si Mme Gandhi ne prend pas les rênes du gouvernement, elle reste aux commandes du parti majoritaire qui décidera de l'essentiel de la politique du pays.

Veuve de Rajiv Gandhi, l’ancien premier ministre assassiné en 1991, elle succédera au premier ministre nationaliste Vajpayee qui vient de démissionner. Depuis son mariage avec Rajiv Ghandi en 1968, fils de l’ancienne première ministre Indira Ghandi, tuée en 1984, Sonia Ghandi s’est indianisée. La politologue B. G. Verghese attribue son succès au fait qu’elle "semble avoir capté le vote féminin plus efficacement que personne d’autre, ce que sa belle-mère, Indira Ghandi, avait fait avant elle". Au cours de sa campagne, elle a promis "une accélération des créations d’emplois, de la croissance et des investissements". Le Congrès national a également mis en avant la cause "des pauvres et des opprimé-es, l'équité sociale et la laïcité". En Inde, l'apartheid social de 160 millions de Dalits et de 80 millions d'Adivasis et l'intolérance religieuse sont puissamment à l’oeuvre. En 2000, lors de l'accession au pouvoir du BJP dans la province du Gujarat, le BJP a commencé à appliquer l'idéologie fasciste dans tous les aspects de sa gouvernance. Les manuels scolaires ont été modifiés pour inclure des chapitres en hommage à Hitler. L'ancien premier ministre parlait ouvertement de nettoyage ethnique des minorités. C'est ainsi que récemment les conflits entre hindous (80% de la population) et musulmans (14%) prenaient un tour extrêmement violent.

Autres sources : L'Humanité, 17-05-04, Politis, 15-01-04

Pages reliées :
The Womanist Party of India: the New Amazons, The Telegraph, 15-08-04

Photos des élections indiennes, Guardian Unlimited, 19 avril au 19 mai 2004
Le choix de Gandhi, Le Devoir, 20-05-04
Le Congrès est roi, Sonia est la reine, Dominique Bari, 15-05-04
Candidates are ignoring agriculture needs, Gene Campaign, 05-04

Profile: Sonia Gandhi, BBC, 13-05-04; Site officiel de Sonia Gandhi
Mrs Sonia Gandhi, Patriotism and India, South Asian Voice, 06-99
Mis en ligne le 13-05-04; mis à jour le 15-08-04



Lettre ouverte à Sonia Gandhi

C'était mercredi, le 19 mai 2004. Nous sommes réunies autour de la télévision pour voir quelle sera la décision prise par le pays démocratique le plus grand du monde. En écoutant le résultat du vote, il nous faut changer ce titre et le remplacer par "le pays démocratique le plus sage" du monde.

Nous savons que l'on peut puiser beaucoup d'enseignements de notre culture. Nous sommes le peuple de la rue indienne, tisserandes, jardinières, penseures, visionnaires, des femmes jeunes, des femmes âgées... En ce moment, on vit un profond désespoir dans toutes les parties du monde : les histoires d'horreur des sévices sexuels à la prison d'Abu Gharib à Bagdad; la violence épouvantable en Palestine; les souvenirs de génocide dans le Gujarat; la violence qui tue nos enfants de toutes les manières possibles. En ce moment d'extrême impuissance, vos paroles nous apportent un nouvel espoir. En toute simplicité qui nous va droit au coeur, vous introduisez le bon sens dans le discours politique même si ce n'est que pour quelques instants.

Vous ne comprendrez peut-être pas ce que votre acte de renonciation a signifié. Oui, sûrement pour l'Inde - ce fut en effet une heure de gloire pour l'Inde mais aussi pour le monde entier - des personnes comme vous, pensons-nous, n'existent que dans nos imaginaires : des personnes qui, au sommet du pouvoir, se retirent par un acte sage, désintéressé et bienveillant. Ce sont les pauvres de l'Inde qui, dans leur sagesse, vous ont choisie, et vous, dans votre sagesse, vous êtes restée fidèle à votre vision de faire quelque chose pour les millions de pauvres de l'Inde.

Vous avez vu le tout, refusant le fragment d'un poste important, conformément à une tradition indienne sacrée d'abandon de possessions, de gains. Le Mahatma Gandhi a offert au monde beaucoup de sagesse, beaucoup d'idées : une autre manière de vivre, une autre politique, une autre compréhension du pouvoir. Pas un pouvoir de contrôle, de conquête, d'utilisation, d'abus, mais un pouvoir capable d'auto-effacement, qui facilite, qui met en valeur Stree tatva, le pouvoir du féminin, un pouvoir qui donne. Vous avez bien appris les leçons. Quand vous avez parlé de votre voix intérieure, et quand vous avez dit que le pouvoir ne vous avait jamais attirée, vous avez exprimé une autre politique, une politique infusée d'une autre éthique, une éthique de sollicitude, de contact et de souci de l'autre, car qui pourrait nier que vous ayez pris votre décision avec grand soin?

Surtout pour les nombreux marginaux, votre action était presque subversive, nous libérant tous d'années de conditionnement. Nous avons besoin de nous remettre de la civilisation occidentale, même de sa démocratie!, de ses notions de pouvoir et de politique. Le monde a besoin d'une autre vision politique, une vision dans laquelle le marché ne sera pas le seul déterminant. Même si le MUMBAI SENSEX est tombé comme c'est arrivé les jours qui ont suivi, quelle importance? De toute façon, il ne s'adressait qu'à l'élite et mesurait leur bien-être économique. Cela n'a pas eu d'importance pour les millions pour lesquels l'Inde ne resplendit pas.

Vous avez ramené les gens dans le paysage politique qui était occupé par le privilège et le pouvoir. Vous avez apporté l'espoir à la majorité des gens en Inde, aux majorités dans différents endroits du monde. L'espoir aux petits qui farfouillent dans les décombres de la politique, qui connaissent uniquement des politiciens et leur espèce qui s'emparent du pouvoir, qui manipulent au moyen de mensonges et de supercheries, des maîtres de la pensée double, du double langage.

Vous avez été le son de cloche d'un moment nouveau. Vous semblez avoir allumé en nous toutes un espoir plus profond. Nous nous sommes éloignées de la télévision pour allumer un feu. Réunies autour, nous avons parlé du dynamisme de la démocratie indienne, apprenant de l'Inde. Même les États-Unis devraient apprendre de l'Inde. Quelle belle idée, George Bush abandonnant le pouvoir maintenant, ça c'est un rêve! Votre élection a signifié tout ce qui est global et visionnaire en Inde. Votre renonciation et votre simplicité ont offert tout ce qu'il y a de sublime dans l'esprit de l'Inde. Une civilisation qui incarne une sagesse en politique, une sagesse de la vie, qui transcende les esprits étroits, les définitions étroites, les limites étroites. Un président qui est musulman, maintenant un premier ministre qui est Sikh, une dirigeante élue par le peuple, une chrétienne, dans un pays qui est hindou à 80%, et il y a encore beaucoup d'autres croyances.

L'Inde offre peut-être un moyen de tisser ensemble d'anciennes sagesses avec des visions nouvelles. Ça ne pouvait peut-être arriver qu'en Inde. Merci Sonia Gandhi. Merci d'être si forte et pourtant si humble. Merci d'être si confiante et pourtant en recherche, rappelant à tous que peut-être une bataille a été gagnée, mais aussi qu'une longue lutte nous attend si les millions de pauvres en Inde ne sont pas prêts à abandonner leur droit d'être des humains. Merci d'offrir à la politique un chemin qui soit encore possible, une politique de grâce, de générosité, de don, introduisant de nouveau l'éthique en politique. Vous avez, en effet, parlé d'une éthique différente. Vous avez célébré la voix des pauvres. Vous êtes connectée à l'Inde d'une manière plus profonde et plus intrinsèque qu'un quelconque extrémiste du hindutva parivar. Il n'y a pas si longtemps, après avoir refusé le pouvoir politique de diriger l'Inde, Gandhi est retourné à son rouet et a continué à filer sa vision d'un monde sans guerres, un monde sans pauvreté, laissant les fils légers d'un héritage dont vous avez retrouvé les fils, dont vous filez à nouveau le rêve.

Quand nous regardons autour de nous, nous voyons des figures d'enfants autour du feu. Quelles histoires pouvons-nous leur raconter? Des histoires d'enfants torturés, traumatisés par la violence, la violence civilisée et non-civilisée les submerge. Nous savons que nous devons trouver une nouvelle lumière, une nouvelle poésie. Les enfants ont besoin de nouveaux rêves. Il faut de nouveaux conteurs d'histoires, de nouvelles histoires, des histoires d'espoir. Et venant d'Inde, une histoire de géants et de farfadets, un conte de fée pour notre époque.

Vimochana, a forum for women’s rights, awhrci@vsnl.com; 33/1-9 Jaibharath Nagar, Maruthiseva Nagar, Bangalore 560033. Traduction : Edith Rubinstein du réseau Fenwib
Mis en ligne le 14-06-04



Entrevue avec Arundhati Roy sur les élections indiennes, la résistance irakienne et la privatisation de la guerre

Le 19 mai 2004, Arundhati Roy était interviewée par Amy Goodman de Democracy Now!. Ceci est la transcription de cette entrevue traduite par Edith Rubinstein du réseau Fenwib.
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AMY GOODMAN (AG): Bienvenue à Democracy Now!, Arundhati.

ARUNDHATI ROY (AR): Merci, Amy.

AG : Pouvez-vous expliquer ce qui ce passe en ce moment même en Inde? Avez-vous été étonnée par la victoire du Parti du Congrès et par le rejet ensuite de Sonia Gandhi comme premier ministre?

Arundhati Roy AR : Je crois que beaucoup de gens ont été surpris de la victoire du (Parti du) Congrès, parce qu'il était vraiment difficile de voir au-delà de l'espèce de brume de haine répandue par les nationalistes hindous. On n'était pas sûrs que les gens ne s'étaient pas laissés pas aveugler - et ils l'avaient justement été quelques mois plus tôt dans une élection locale de l'assemblée dans le Gujarat - ou si les problèmes réels de pauvreté absolue et (la séparation) absolue des terres et de l'eau seraient les questions importantes. Beaucoup d'entre nous, sans tenir compte du cynisme concernant la politique dominante - ont pensé que les résultats n'auraient pas pu être meilleurs. Le Parti du Congrès s'était dans une certaine mesure enchaîné aux partis de gauche dans une coalition qui en ferait une opposition assez formidable au BJP (Bharatiya Janata Party ou Parti du peuple indien). Par la suite, ce qui est arrivé était véritablement fascinant, parce qu'on peut justement voir les forces en jeu si manifestement, à la fois au niveau international et national, et si ouvertement que simplement essayer de comprendre ce qui se passe ces derniers jours a été fascinant.

AG : Pouvez-vous nous dire les différences entre le BJP qui a été défait et le Parti du Congrès? Je crois savoir que vous revenez de la maison de l'homme que nous croyons devoir remplacer Sonia Gandhi depuis qu'elle a refusé d'être Premier ministre (l'ancien ministre des Finances Manmohan Singh).

AR : Non, non, non je n'en reviens pas, mais j'ai été au marché et pour rentrer chez moi, je devais rouler devant toutes les maisons des politiciens, et j'ai vu toutes ces foules à l'extérieur et les caméras de télévision, etc. Je n'ai pas accès à eux dans ce sens, mais la différence fondamentale entre le Congrès et le BJP est que l'un est un parti ouvertement fasciste et fier de l'être. Cela ne les gêne pas du tout d'être qualifiés de fascistes. La culture à laquelle les grands dirigeants BJP souscrivent, le RSS, admire ouvertement Hitler.

Le Congrès - je veux dire, la manière dont cela s'est visiblement passé est que le Congrès a mené historiquement une politique cachée de communautés pour créer ce qu'on appelle en Inde des banques de votes où on dresse une communauté contre l'autre afin de s'assurer des voix. Ainsi, dans une certaine mesure, le BJP est l'horrible spectre qui a surgi de l'héritage du Parti du Congrès. Vous savez, vous commencez à réaliser que l'hypocrisie n'est pas une chose terrible quand vous voyez ce qu'est le fascisme comparé à une espèce de politique communautaire cachée à laquelle le Congrès n'a jamais été gêné de se livrer.

C'est de nouveau la même chose économiquement. Comme vous le savez, c'est vraiment le Congrès qui est le parti qui a ouvert l'Inde à tout le régime néolibéral. Mais le BJP est venu et l'a mené beaucoup plus loin, à des niveaux absurdes. Aujourd'hui nous avons une situation où 40% de l'Inde rurale a des niveaux d'absorption de nourriture inférieurs à l'Afrique sub-saharienne. Vous avez le plus grand fossé de revenus ruraux jamais vu dans l'histoire. Il y a des millions de tonnes de céréales pourrissant dans des pogroms gouvernementaux tandis qu'on annonce partout des morts de famine. Vous avez le régime de l'OMC qui rend possible au gouvernement d'importer des céréales, du lait et du sucre et toutes ces choses pendant que des paysans indiens se suicident, plus par centaines, mais les chiffres parlent de milliers. Et vous avez une classe moyenne qui est resplendissante, heureuse... Je viens d'écrire un article où je montre le lien entre la globalisation des entreprises et ce genre de nationalisme hindou, un fascisme communautaire. Si vous voyez ce qui s'est passé après les élections, après que les populations de l'Inde aient montré clairement que leur choix était contre le communautarisme et les réformes économiques. Même dans les gouvernements d'États où le parti du Congrès avait institué ces réformes, le Congrès aussi a été renversé. Cela n'a pas été un vote en faveur de Sonia Gandhi ou un vote pour le Congrès, ça a été un vote contre des enjeux très graves.

Ce qui est arrivé est qu'aussitôt les résultats des élections connus, les BJP, les membres durs de l'aile droite du BJP et leurs escouades d'hommes de main se sont mis à dire qu'ils allaient se raser la tête. Qu'ils feraient une révolution dans ce pays contre cette femme étrangère d'une part et que, d'autre part, des groupes d'entreprises tout aussi extrêmes étaient passés à l'action - ils étaient dans la rue. Ils criaient comme le feraient des fondamentalistes et toutes les chaînes de télévision d'entreprises avaient divisé leur écran où on voyait d'un côté ce qui se passait dans la maison de Sonia Gandhi et, dans l'autre moitié, uniquement ce que disaient les agents de change. On avait simplement oublié le milliard de personnes qui venaient de voter. On leur avait donné une occasion d'avoir leur photo, de se promener sur des éléphants blancs ou sur des chameaux et tout ce qui conduisait à l'isoloir. Et maintenant, on les oubliait simplement. Les seuls commentaires qu'on entend sont ce que pensent les industriels... et ce que les centristes pensent de Sonia Gandhi. C'est une espèce de chantage absolument absurde par des fascistes d'une part et des fascistes d'entreprises d'autre part.

AG : Arundhati Roy nous parle de Delhi. Elle a écrit récemment un article dans The Guardian de Grande-Bretagne, Let us hope the darkness has passed (Espérons que les ténèbres soient passées). Concernant la question de Sonia Gandhi et le pourquoi de son retrait, qu'est-ce que cela signifie, pensez-vous que ce soit vraiment significatif?

AR : Je crois qu'il y avait ici un véritable dilemme. Nous sommes tous si habitués à être cyniques et à voir des significations derrière des significations. Mais elle était confrontée à un parti, à un climat et à des gens qui tenaient la barre du BJP qui, nous le savons maintenant, peut aller jusqu'à n'importe quelle extrême - comme nous l'avons vu au Gujarat il y a deux ans quand ils ont soutenu ouvertement un pogrom dans lequel 2.000 musulman-es ont été massacrés dans la rue, sans que personne n'ait à rendre de comptes ou ne soit puni. Je pense qu'elle était consciente du fait que ce genre de diffamation et de chauvinisme étaient dans l'air. Il en aurait peut-être résulté une situation où un nouveau gouvernement arrive et que tout ce qu'il fait est de batailler sur un non-enjeu, à savoir si Sonia Gandhi est une étrangère ou non qui devait être là ou non. Alors qu'en fait il y a tant d'enjeux véritablement urgents qui doivent être examinés. Ainsi, je crois qu'il y avait là un vrai dilemme, et peut-être que stratégiquement cela a ôté le vent dans les voiles du BJP et a mis à nu qu'ils sont absolument indifférents à un mandat massif. Si vous examinez tous les partis laïques et de gauche ensemble, vous arrivez à 320 sièges, ce qui représente une large majorité.

AG : Arundhati, quand vous entendez cette information concernant un hélicoptère israélien tirant dans une foule de milliers de gens (à Rafah), un certain nombre de personnes sont tuées, et c'est sûrement une question que vous avez suivie tout comme vous avez entendu ce qui se passe en Irak. Pouvez-vous partager avec nous ce que vous en pensez?

AR : C'est simplement que parfois on doit arriver à un stade où on doit presque travailler sur soi-même. Vous savez, en trouvant une certaine tranquillité qui vous permette de réagir à ces choses, parce que je réalise que le plus grand risque auquel beaucoup d'entre nous sont confrontés est de commencer à s'habituer aux horreurs. Est-ce que la prochaine fois cela n'attirera notre attention que si c'est en augmentation? J'ai toujours maintenu qu'il est très, très important de comprendre que la guerre est le résultat d'une paix défectueuse et nous devons comprendre les systèmes qui sont en jeu ici. Vous savez, nous devons comprendre que le mouvement de résistance en Irak est un mouvement de résistance que nous devons tous soutenir, parce que c'est notre guerre aussi. Et il ne suffira pas d'appeler ces gens des terroristes et des voyous et tout cela. Ce temps est passé. Le fait est que les systèmes d'armement étatsuniens sont tels qu'il est impossible pour quiconque de les confronter militairement. Donc tout ce que vous avez est votre intelligence, votre astuce et votre capacité à combattre comme le font les Irakien-nes. Vous voyez ce système. Vous voyez l'Irak comme le point culminant d'un système, et vous voyez à quel point ce système exerce une poussée même ici. Vous pouvez voir clairement des liens entre ce qui se passe avec les élections indiennes et toute cette économie globale et comment elle est en train de suffoquer le souffle du corps des pauvres.

AG : Nous avons aussi reçu ces informations sur quelques travailleurs indiens qui travaillent pour un contractant occidental en Irak, et qui ont prétendu qu'ils étaient gardés là contre leur volonté et qu'ils étaient à peine payés. Cette information a d'abord été diffusée en hindou et elle a ensuite été suivie dans ce pays, un groupe de 20 Indiens qui s'enfuirent d'un camp militaire étatsunien en Irak où ils travaillaient dans la cuisine et qui ont déclaré qu'ils avaient été maltraités pendant neuf mois. Avez-vous suivi cette histoire? Je crois qu'à présent ils sont rentrés en Inde.

AR : Ce sont tous des gens de Kerala d'où je suis originaire et apparemment ce genre de recruteurs de travailleurs les ont emmenés au Koweit en leur disant qu'il y avait du travail pour eux là-bas. Beaucoup de gens du Kerala travaillent au Moyen-Orient. Et puis on les a mis dans un bus et en fait ils ont réalisé qu'ils étaient à Bagdad avant de s'en être rendu compte. Ainsi, je crois que c'est la phase ultime de la privatisation de la guerre. La torture a été privatisée maintenant et vous avez visiblement en Amérique tout le scandale sur les abus sexuels sur les prisonniers et le fait que des militaires auront à payer un prix, mais envers qui les tortionnaires privatisés doivent-ils répondre de leurs actes? Finalement, vous avez aussi une situation dans laquelle - comme il est de plus en plus clair pour le gouvernement étatsunien que la pression monte à domicile quand des soldats étatsuniens meurent sur le champ de bataille - ils vont essayer d'embaucher d'autres soldats pour faire le travail pour eux. Vous savez, ils vont essayer d'embaucher des pauvres de pays pauvres qui seraient prêts à le faire. Je suis sûre qu'ils vont essayer. Ils essaient déjà, en essayant bien sûr d'avoir l'armée indienne - on sait que ceux qui assurent la sécurité d'Hamid Karzai sont tous privatisés. Je pense que c'est un cauchemar et en dernière analyse, dans un certain sens, le terrorisme est une privatisation de la guerre. C'est la croyance que ce ne sont pas seulement les États qui peuvent mener une guerre, pourquoi pas des privés? Pourquoi ne pas avoir vos bombes atomiques dans votre mallette? Toutes ces politiques que l'Amérique maintient, les armes nucléaires, la privatisation, toutes ces choses vont se muer et se transformer dans ces choses dangereuses.

AG : Je tiens à vous remercier de nous avoir rejoint de New Delhi, en Inde. Arundhati Roy, l'écrivaine et la militante qui publie cet été An Ordinary Person's Guide to Empire (Le guide de l'Empire pour les personnes ordinaires). This is Democracy Now!

Article relié : Les dindes aiment-elles la fête de l'Action de grâce? Une résistance globale à l'Empire, 16-01-04
Mis en ligne le 22-06-04



Édition et mise en ligne : Nicole Nepton
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