Sortir de la violence conjugale : une course à obstacles insensée! 28-11-01


AUJOURD'HUI, JE NE SUIS PLUS UNE VICTIME !

En plus d'être victimes d'hommes violents, les femmes sont trop souvent victimes de services qui les enfoncent dans le problème au lieu de les aider à s'en sortir. Ce n'est pas une fatalité. Dans les maisons d'hébergement du réseau des femmes, on traite les femmes de façon à ce qu'elles soient en mesure de reprendre le contrôle de leur vie et ça fonctionne.

Le témoignage d'une jeune femme
Elle l'a rencontré à 22 ans, à la fin de ses études universitaires. Sûre d'elle, éduquée et ne provenant pas d'une famille violente, elle était convaincue qu'elle n'était pas le genre de femme qui pouvait se trouver coincée dans une relation violente. Elle a eu 4 enfants avec lui. Quand elle l'a quitté après 3 ans de violence très intense, ses plus vieux, des jumeaux, avaient 2 ans et demi.

Au début, il était charmant comme savent l'être les manipulateurs, puis la violence s'est installée petit à petit. À force d'entendre dénigrer ses ami-es et sa famille, elle a cessé de les voir. À force d'être insultée et de subir quotidiennement de la violence physique, elle était détruite psychologiquement. Elle ne comprenait pas ce qui se passait. Les policiers sont venus plusieurs fois, mais elle ne portait pas plainte. Elle est partie plusieurs fois, mais comme elle ne savait pas où aller, elle revenait.


Mais pourquoi restent-elles ?
Ce doit bien être la question la plus souvent posée quand on parle de violence conjugale comme si les plus fautives là-dedans étaient les victimes.
La question la moins souvent posée? Pourquoi sont-ils violents?

Selon Lise Poupart, responsable de Côté Cour, dans La Presse du 04-06-01. Depuis 15 ans, Côté Cour oeuvre auprès des personnes victimes de violence conjugale et familiale, 30.000 femmes et enfants ont eu recours à ses services d'aide psychosociale et de soutien pour diverses démarches.


Ses enfants, surtout les plus vieux, subissaient aussi de la violence. En venant les chercher suite à une plainte, la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) lui a offert de venir avec eux. Ils l'ont emmenée dans une maison d'hébergement où elle est arrivée petit à petit à comprendre ce qui s'était passé et à renaître. Ça a pris du temps. Ce n'était pas facile d'admettre qu'elle avait vécu de la violence conjugale ni de faire le deuil de la famille unie de ses rêves, elle qui tenait tant à ce que ses enfants aient un père. Les femmes de la maison d'hébergement l'ont aidée à se remettre sur pied. Quand elle a pris un logement, elle a pu bénéficier des services de répit offerts pas la DPJ. Elle se demande comment elle s'en serait tirée sans ça.

Aujourd'hui, elle n'est plus une victime. Elle est heureuse, ses enfants se sont épanouis. Le père de ses enfants s'est enfui dans une autre province quand elle a porté plainte contre lui au criminel, ce qui l'a aussi aidée à se refaire une vie sans violence.


Souvent les jeunes femmes croient que la violence conjugale, c'est une affaire de "vieux", alors qu'elles en sont les principales victimes. C'est chez les jeunes et les couples récemment formés que les taux de violence conjugale sont les plus élevés. Au Québec, les femmes qui vivent le plus souvent de la violence conjugale sont âgées de 25 à 29 ans, suivies des 18 à 24 ans. Les jeunes femmes de 15 à 24 ans sont les plus à risque d'être tuées par leur conjoint ou ami intime.

Pour plus d'information, consultez la présentation et les références de Solange Cantin du CRI-VIFF



DES SERVICES TENUS À BOUT DE BRAS

Liette Brousseau et Louise Riendeau du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale expliquent que les maisons sont les seuls organismes dont l'intervention est centrée sur les besoins des victimes et sur les solutions à long terme. Cependant, aucune ne réussit à répondre aux besoins, en particulier à ceux des femmes handicapées alors que celles-ci sont beaucoup plus susceptibles d'être victimes de violence conjugale que les autres. Alors que le quart des Québécoises seraient victimes de violence conjugale, 25% d'entre elles n'arriveraient pas à trouver l'aide dont elles ont besoin. De plus, selon Nicole Maillé, intervenante jeunesse à la maison d'hébergement Assistance aux femmes, très peu d'organismes sont en mesure d'offrir une intervention ajustée aux besoins spécifiques des enfants exposés à la violence. Seules quelques personnes dévouées les aident tout en se dirigeant tout droit vers le "burn-out".

En dépit du fait que les maisons sont des services essentiels de première ligne qui fonctionnent 24 heures sur 24 et 365 jours par année, elles sont chroniquement sous-financées. Camille St-Denis de SOS Violence conjugale Camille St-Denis de SOS Violence conjugale déplore qu'elles ne soient pas en mesure d'avoir plus d'une intervenante sur le plancher et qu'elles doivent se résoudre à offrir encore moins de services pendant les fins de semaine. Il est grand temps que les maisons soient en mesure de répondre aux besoins de toutes les femmes qui les contactent en situation d'urgence tout en remplissant leur mandat de sensibilisation, de prévention, de suivi, de formation et de concertation.

Afin de répondre aux besoins, il faudrait que les maisons aient les moyens de fonctionner avec des équipes de deux intervenantes tant le jour que le soir et avec une travailleuse pour la nuit. Il faudrait aussi une intervenante qui se consacre aux besoins spécifiques des enfants, de même que des ressources pour des services de suivi et d'accompagnement. Mais les maisons doivent fonctionner avec une seule intervenante. Celle-ci doit faire face à une lourde charge de travail et à tous les imprévus en échange d'un salaire horaire de 13 $ l'heure en moyenne, selon Francine Lévesque du Syndicat des travailleuses en maisons d'hébergement FSSS-CSN. Trop souvent elle doit faire des heures supplémentaires que les maisons ne sont pas en mesure de rémunérer. Dans ce contexte, l'équité salariale semble une bien lointaine utopie.

Il y a aussi des lacunes inquiétantes dans d'autres ressources. Les centres de femmes sont chroniquement sous-financés alors qu'ils sont des ressources essentielles à de nombreuses Québécoises. Entre autres, ils permettent à des femmes de prendre conscience qu'elles subissent de la violence conjugale tout en brisant leur isolement et en soutenant leurs démarches "d'empowerment". Quant à Robert Ayotte, un intervenant auprès de conjoints violents, il a contribué à la mise en place d'un service de référence ayant pour but de diminuer l’isolement des conjointes et d’améliorer leur sécurité et celle de leurs enfants. Ça fonctionne bien. Plus de conjointes acceptent d’aller chercher de l’aide. Il serait nécessaire de généraliser ce type de service, mais encore là, les fonds sont insuffisants.


Au Canada, on estime que la violence conjugale coûterait au moins 4 milliards $ par an. Les seuls coûts annuels en santé et services sociaux générés par la violence seraient de l'ordre de plus de 1,5 milliards $. Y a-t-il une seule bonne raison de ne pas faire en sorte de diminuer cette facture qui s'auto-perpétue ad nauseam au détriment des victimes en menant enfin une lutte efficace contre la violence conjugale?

Pour plus d'information, consultez la présentation et les références de Solange Cantin du CRI-VIFF



ET LES ENFANTS DANS TOUT ÇA ?

Nicole Maillé, intervenante jeunesse à la maison d'hébergement Assistance aux femmes, rapporte que 80% à 90% des enfants vivant dans un climat de violence conjugale sont exposés à celle-ci. 70% de ces enfants seraient violentés. Dans plus de la moitié des situations où un enfant est exposé à la violence, sa mère craint pour sa vie. Les enfants victimes de violence conjugale se sentent impuissants face aux actions posées par l'agresseur et responsables face à la victime. Ils sont manipulés par le père qui nie la violence et tente de contrôler la mère par son entremise. Des enfants arrivent à s'en tirer à peu près indemnes tandis que d'autres ont plusieurs problèmes d'adaptation. Tous ont des difficultés relationnelles.

Vous croyez qu'on aide ces enfants-là? Au Québec, très peu d'organismes et d`institutions offrent une intervention ajustée aux besoins spécifiques des enfants exposés à la violence. En août 2001, le Centre canadien de la statistique juridique rapportait également que les enfants sont les victimes oubliées de la violence conjugale. Pour leur part, les professionnel-les de l'éducation, de la santé et des services sociaux méconnaissent la problématique des enfants victimes de violence conjugale. Là aussi, il arrive fréquemment qu'on traite les symptômes sans effleurer la cause du problème. Par exemple, on interviendra dans le but de développer les habiletés parentales alors que leurs mères n'en manquent pas nécessairement. Elles sont avant tout en situation de survie. Les enfants passent aussi d'un-e intervenant-e à l'autre. Chaque fois, ils vivent une nouvelle trahison dont ils se protègent en se refermant. Quant aux services offerts dans le système scolaire, ils ont dramatiquement diminué ces dernières années.

Vous croyez que si un père violent demande la garde de ses enfants et d'exercer son droit de visite, institutions et professionnel-les du domaine juridique vont prendre des décisions en tenant compte de l'impact de l'exercice des droits des pères sur les victimes de sa violence?

Vous rêvez. Trop souvent les juges ignorent les dangers que courent les victimes et accordent aux pères des droits de visite sans prévoir de mesures de protection ni de soutien psychologique. Il arrive aussi que des femmes font des concessions en cour afin de ne pas perdre leurs enfants. Les enfants vivent dans l'insécurité quant à ce que subira leur mère lors des visites du père. Il y a de quoi : chaque année, des pères vont jusqu'à tuer mères et enfant-s. Former les juges? Les formations sont optionnelles. Les juges utilisent aussi le prétexte de leur indépendance pour les éviter. Tant les enfants que leurs mères vivent beaucoup de détresse dans un tel contexte qui les violente à nouveau quand il ne les tue pas.

Un témoignage déchirant
Elle n'a jamais pu prouver la violence de son ex-conjoint. C'est un maître dans l'art de faire croire que c'est elle la coupable. Elle l'a quitté il y a 7 ans. Il vient d'obtenir la garde légale de leur fille en l'accusant d'aliénation parentale. À la cour, on lui a reproché d'être allée dans une maison d'hébergement et on l'a accusée d'avoir provoqué la violence de son ex-conjoint. Elle n'a pas même pu témoigner. Jamais on ne s'est questionné sur les besoins de sa fille qui vivait avec elle depuis 7 ans. Alors que sa fille a besoin de soins réguliers étant donné sa santé fragile, elle sait que son père ne respecte ni ses besoins ni ses désirs. Elle est désespérée de ne pas même pouvoir aider sa fille. C'est à peine si elle arrive à la voir et elle doit le faire sans aucune protection. Partout on lui dit qu'il est trop dangereux pour qu'on puisse l'accompagner lors de ses visites. Elle va faire appel mais elle craint les représailles. Elle ne sait pas si elle arrivera à récupérer sa fille.



AU NOM DES DROITS DES PÈRES


Hier, un homme tente de noyer 2 enfants en les jetant dans le fleuve avec sa voiture après avoir poignardé leur mère. Début septembre, un autre Montréalais assassine à coups de hache sa fille de 9 ans. Plus tôt cette année, un homme aigri abat 2 autres fillettes, en profitant lui aussi d'un droit de visite à peine surveillé. Quelques semaines plus tard, un autre encore tue sa conjointe et ses deux filles. On parle de "tragédies" et on attend la prochaine.

Pourtant, la plupart des assassins ont des antécédents de violence familiale, mais un appareil judiciaire intimidé par la notion de "droits du père" leur accorde de plus en plus des droits absolus. Collectivement, nous fermons les yeux sur leurs menaces et sur leurs signes évidents de troubles psychologiques. Pour restaurer l'estime de soi masculine, nous faisons fi de la sécurité des enfants et de leur mère.

Que penser d'un appareil de justice qui fait autant de victimes? Déjà, on compte 11 enfants assassinés ou secoués à mort par leur père cette année au Québec, un nombre absolument sans précédent et le décompte se poursuit. Qui d'autre que nous-mêmes arrêtera la spirale de l'irresponsabilité, cette extension des "droits du père" indépendamment de l'intérêt de l'enfant, cette re-sacralisation de "l'autorité paternelle"?

Martin Dufresne, Collectif masculin contre le sexisme, Le Devoir, courrier des lecteurs, 15-11-01

MYTHE : De plus en plus d'hommes se voient refuser par des femmes l'accès à leurs enfants.
RÉALITÉ : Le principal problème associé au droit de visite est que les hommes ne l'exercent pas toujours ou l'exercent de façon erratique ou imprévisible.

MYTHE : Les hommes veulent prendre une plus grande part dans l'éducation de leurs enfants après la séparation ou le divorce.
RÉALITÉ : La plupart des hommes qui intentent des litiges de garde ou de droit de visite ne sont pas intéressés à une plus grande part des soins quotidiens aux enfants; ce qu'ils veulent, c'est exercer plus de poids dans toutes les décisions concernant la vie de leurs enfants et de leur ex-conjointe.

MYTHE : On assiste présentement à une épidémie de fausses accusations d'agressions d'enfants par les pères qui sont déposées par des mères calomnieuses dans un esprit de vengeance.
RÉALITÉ : Les dénonciations d'agression sexuelle ne sont associées qu'à 2% de l'ensemble des litiges de garde et de visite. De ces 2% d'accusations, seulement 8% ont été trouvées fausses. De plus, on a constaté que 1,3% seulement des allégations formulées par les mères sont intentionnellement fausses, alors que c'est le cas de 21% des accusations contre les mères déposées par les pères qui divorcent.

Source : Mythes et réalités sur la garde des enfants et le droit de visite, Centre FREDA de recherches sur la violence faite aux femmes, 1998




LA GARDE PARTAGÉE : BELLE EN THÉORIE, MAIS INVIVABLE VOIRE MÊME DANGEREUSE EN PRATIQUE

Liette Brousseau, Louise Riendeau et Andrée Cöté Andrée Côté de l'Association nationale de la femme et du droit rapporte qu'actuellement au Canada on est en train de revoir la loi sur le divorce en mettant l'accent sur les droits des pères. C'est beau en théorie mais invivable voire dangereux pour les ex-conjointes d'hommes violents et leurs enfants. Les féministes n'ont pas le choix de lutter contre la garde partagée, mais ce faisant, elles sont perçues comme luttant contre la vertu.

On a toutes beau souhaiter que les hommes s'impliquent autant que les femmes dans l'éducation et le soin des enfants, il demeure que notre société a très peu évolué à ce niveau depuis 30 ans. Le partage de ces responsabilités n'est égal que dans 10% des couples alors que 70% des mères travaillent. C'est cruel. Avant d'accorder des droits égaux aux pères, il faut que les devoirs et obligations parentales soient également assumés par les deux parents. Ce n'est pas une loi qui va faire en sorte que les pères vont soudainement s'y mettre après un divorce.

La garde partagée demande beaucoup de coopération puisqu'elle est difficile à organiser au quotidien. Elle est aussi coûteuse. Quand elle fonctionne, c'est libérateur, mais ça n'arrive que dans une minorité de cas et ce, quand elle est décidée d'un commun accord. Vingt États américains, l'Australie et l'Angleterre ont déjà la garde partagée. Les études démontrent clairement que ça ne fonctionne pas. Pire, les femmes victimes de violence conjugale ne peuvent plus se libérer de leurs conjonts violents. Elles restent liées à jamais à ces derniers. Leur ex-conjoint peut intervenir dans toutes les décisions qui concernent les enfants tandis que ceux-ci n'ont plus droit à une pension alimentaire.

Le suicide comme seule sortie de secours ?
Madame est séparée depuis 6 mois et vit seule avec son enfant. Elle doit témoigner au criminel contre son ex-conjoint accusé de voies de fait et de menaces de mort. Elle n'a pas pu voir le procureur qui se dit surchargé de travail. L'avocat de la défense la discrédite en parlant de ses dépressions. Il met en doute sa santé mentale. Afin que monsieur n'ait pas de casier judiciaire, on ne lui donne que l'ordre de garder la paix et de rester éloigné de son ex-conjointe qui ne se sent pas protégée pour autant. "Mon mari a fait un V de victoire avec ses doigts et a quitté la salle en riant. Je me sentais comme une moins que rien."

Puis monsieur demande la garde partagée de son fils. Elle la lui refuse car elle a peur de lui. Ils sont référés en médiation familiale où elle est perçue comme fragile, anxieuse et déprimée. Le refus de madame porte à croire qu'elle veut priver son fils de son droit de vivre avec son père. À juste titre, elle craint de perdre son enfant et décide de retourner vivre avec son conjoint violent afin de ne pas être séparée de son fils. "Je voulais me suicider, seul mon enfant me retenait. C'est la période la plus noire et désespérée de ma vie."


Quantifier l'inqualifiable : la judiciarisation de la violence conjugale

La justice banalise l'ampleur de la violence conjugale. Elle se met à l'écoute de l'agresseur au lieu de la victime. Elle ignore tout du stress post-traumatique éprouvé par les femmes violentées, ce qui entraîne des résultats désastreux. Telles sont les conclusions d'une thèse de doctorat présentée par Lucile Cipriani en août 2001 à la faculté de droit de l'Université Laval. Fondée sur les récits des victimes, ce qu'elles taisent et ce que le droit en fait, cette analyse critique féministe conclut que la violence conjugale fait l'objet d'une criminalisation frileuse et parcellaire au Québec.



UNE SEULE RÈGLE DOIT PRÉVALOIR : CELLE DE L'URGENCE

Selon Andrée Côté, le refus de l'État d'intervenir efficacement envers la violence conjugale que subissent les femmes, d'adopter des remèdes à portée systémique et de prévoir les ressources adéquates pour le faire avec Lorraine Pagé, présidente de la Commission d'études une diligence raisonnable a un effet discriminatoire envers les femmes. Son inaction va à l'encontre des obligations qu'il s'est engagé à assumer en promulguant des chartes de droits, en adoptant des lois, en signant nombre de traités et en endossant plusieurs déclarations internationales. Cela engage sa responsabilité; il ne saurait s'y soustraire.

Le 11 novembre 2001, Lorraine Pagé, présidente de la Commission, et les commissaires Vivian Barbot, Maria De Koninck, Karen Messing et Kevin Callahan présentaient leurs recommandations. Les besoins des victimes de violence conjugale sont si criants qu'un consensus s'est rapidement établi à l'effet qu'il est urgent de combler les lacunes importantes soulignées par les témoins entendus. La violence conjugale n'est pas une réalité immuable. Améliorer la réponse aux besoins des personnes qui en sont victimes n'est pas une utopie irréaliste. Ce n'est pas non plus facultatif.

C'est avec vigueur que la Commission affirme qu'en matière de violence conjugale dont les femmes et les enfants sont victimes, c'est sur le terrain de droits aussi fondamentaux que le droit à la sécurité, à l'intégrité physique et psychologique, à la vie même que nous nous situons. En ces matières, une seule règle doit prévaloir : celle de l'URGENCE. Urgence de prévenir, urgence d'intervenir, urgence de former. Le phénomène de la violence conjugale, de ses causes et de ses conséquences est assez documenté pour que le refus d'agir et le retard dans l'action soient considérés comme une véritable indécence. Si l'État choisissait de ne pas répondre aux besoins de protection des femmes et des enfants contre cette violence, les commissaires recommandent aux groupes de femmes de considérer sérieusement la pertinence d'entamer un recours collectif contre lui afin de le forcer à remplir son obligation.



ÉCOUTEZ...

"Toutes les réalités qui touchent les femmes sont banalisées, réduites, niées ou ignorées. Les agressions sexuelles sont une violence parmi d'autres. Le harcèlement sexuel devient une banale histoire de perception subjective. La violence conjugale devient une banale histoire de mésentente dans un couple. Le viol devient une banale histoire de perte de contrôle. La maternité devient une banale histoire de courbe démographique. Les maladies des femmes deviennent une banale histoire d'hormones. L'accès au travail devient une banale histoire d'égoïsme, pour un salaire de plus dans une même famille alors qu'il y a tant de chômage partout. Le discours des femmes dérange. Même sur cent ans, nos revendications arrivent toujours à un mauvais moment, à contre-courant. Il y a toujours autre chose de plus important à régler avant, toujours un autre feu à éteindre...

Dans l'éducation, la santé, la sécurité du revenu, partout, il n'y a plus de vraie stratégie, il n'y a que des tragédies. Dorénavant, il faudrait demander aux gouvernants : quelle tragédie avez-vous décidé d'adopter? S'il y avait du coeur dans les changements, il y aurait de la joie. Et nulle part il y a de la joie, nulle part il y a des rêves. Il y a toujours moyen de faire autrement, il y a toujours d'autres solutions que le mépris. Le respect des personnes, en soi, est un choix... À partir de maintenant, nous exigerons... des résultats. Nous exigerons que les gestes parlent la même langue que les mots. Ce n'est pas de l'impatience, c'est de l'urgence."

Hélène Pedneault, en collaboration avec le Comité de la condition des femmes de la CSQ, 1997





Contenu et mise en ligne : Nicole Nepton.
Photos : Charlotte Thibault
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