par Brigitte Verdière
Et si l'on revenait sur l'extrême-droite? Sur la résistance à l'extrême-droite, je veux dire.
Un article du Monde diplomatique m'a en effet agréablement plu. Il s'intitule
Les femmes font
de la résistance et s'inscrit dans un dossier sur l'extrême-droite française,
publié en 1998. L'auteure, Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherches au Centre d'étude
de la vie politique française et collaboratrice de ProChoix,
y démontre, analyse des résultats électoraux à l'appui, que l'électorat du Front National
est plus masculin que féminin.
Ouf! Pas si bêtes, les filles! Elles ont compris qu'elles avaient plus à y perdre qu'à y gagner :
les valeurs familiales portées au pinacle, le contrôle sur le corps des femmes, "l'image de parti
guerrier, violent" ne leur plaisent pas. Les femmes contre l'extrémisme. Une fois la maturité
politique atteinte (droit de vote acquis, intégré et digéré), les Françaises se sont mises à
voter plus à gauche qu'à droite. Mais, mais, mais... car bien sûr, il y a un "mais", c'est
l'analyse qui reste à faire du vote des dernières élections où un cinquième environ des
électeurs français ont dit "oui" à la peste brune, oui à l'exclusion des plus faibles
et des différents (gais, lesbiennes, malades du sida, immigrant-es...). Un vote dû essentiellement
à la précarisation, au chômage, à la violence. Et on sait que les femmes en sont les premières
victimes. Un rapprochement dans la manière de voter entre les femmes et les hommes est à craindre.
Des études
sur les femmes et la politique montrent en effet que, dans la plupart des pays d'Europe,
une plus grande expérience du politique s'accompagne d'une normalisation des attitudes. Cantonnées
au départ dans des domaines qui touchent particulièrement les femmes (selon les hommes, bien entendu),
les premières élues, qu'elles soient conseillères municipales, députées, ministres, se sont occupées
de santé, de problèmes sociaux, de la famille, bref de toutes ces choses passionnantes pour lesquelles
nous aurions un penchant "naturel", un toucher magique, des réponses innées, que sais-je?
Puis on a vu, en Norvège et en Finlande notamment, des femmes première ministre, ministre des
affaires étrangères, de la défense, etc. Mais, car bien sûr, il y a un mais (oui, je me répète),
une analyse plus pointue de la situation fait dire à certains auteurs que "les femmes ne sont
pas les instigatrices de la politique sociale, elles en sont les objets" (aïe, même dans le social!)
et surtout, que si elles sont plus présentes en politique, grâce à leur implication syndicale,
au système de vote proportionnel, elles sont peu nombreuses dans les postes de direction économique
et au sein du corps très sélect et sélectif des hauts fonctionnaires. Je vous avais bien dit
qu'il y avait un "mais"!
Me revoici donc face à mes vieux dadas : au niveau des responsables économiques et financiers dirigeant le
monde (cf. Fonds monétaire international, Banque mondiale et je passe sur tous les courtiers en
banque, bourse, assurances, monnaie des États-Unis, du Japon, de Hong-Kong, de Londres, Zurich,
Vancouver...), cela se gâte nettement pour nous. Les filles, pas bêtes, ne veulent pas avoir grand-chose à voir avec ce monde-là. Quoique, à bien
y réfléchir, elles doivent avoir du mal à y faire leur place. Vous avez déjà vu une bourse,
de près je veux dire, dedans, du vivant, c'est pire que la cage des singes du zoo du Bronx!
Quand les transactions n'étaient pas automatisées, on appelait cela "le parquet". On aurait pu aussi
le nommer "ring de boxe". Cela sentait la sueur, les aisselles aigrelettes, le parfum d'homme
qui a tourné, la négligence vestimentaire dûe à l'exaltation, au frisson de la fortune qui
passait au loin... Rien de très mouillant! J'en ai connu des filles courtiers, courtières,
comment faut-il dire? Mais pas beaucoup. Le gâteau, les hommes se le gardent, ils se le mangent
entre eux. Alors nous passons de l'autre côté de la barrière. Nous demandons à ces messieurs
"d'avoir une perspective de genre dans leurs politiques" pour ne pas dire "féministe", parce que
des hommes ayant une perspective féministe, il n'y en a guère, et à vrai dire, je m'en méfierais.
Ce ne sont hélas que des aménagements. La seconde étape, après
l'assaut de la citadelle politique,
est maintenant l'assaut des centres de décision : industrie, finance, banque... Parce que c'est
là que les choses se décident, et qu'il faut, pouce à pouce, conquérir ce terrain comme les autres.
Et à la différence des autres, ne pas le laisser se dérober. Parce que tout ce que je vous ai raconté,
finalement, se résume à une chose : quand les filles interviennent dans le jeu de billes des garçons,
et qu'ils ne résistent plus, ils préfèrent aller jouer ailleurs, entamer un autre jeu d'où les filles
seront exclues. Ouh, les mauvais perdants!