par Brigitte Verdière
Y a pas de justice! Vous le saviez déjà, moi aussi, mais quand même cela continue de m’énerver tous ces
gens bafoués, opprimés, réduits en esclavage, les passe-droits et les non-droits. La
Cour pénale internationale a été
instaurée, mais à quel prix!
Celui de telles contorsions diplomatiques que les plus grands auteurs d’injustices dans le monde,
les États-Unis, ont réussi à y soustraire une partie de leurs troupes.
Si vous voulez mon avis, cette cour-là est mal partie. Et pourtant, elle en a suscité des espoirs. Les
groupes de femmes ne peuvent en effet que se réjouir de l’accent mis lors de la
rédaction du traité qui reconnaît
les crimes commis sur une base sexuelle et la violence spécifique que vivent les femmes lors des
conflits. Cette recommandation est incluse dans la résolution 1325 d’octobre 2000 du Conseil de
sécurité des Nations Unies, qui y ajoute la nécessité d’inclure les femmes à tous les niveaux des
négociations de paix et de résolution des conflits. Rien qu’avec cela, la Cour a du travail pour des
années !
Et d’autres crimes devraient être jugés. LM Handrahan estimait ainsi, dans un article
publié par la Tribune des droits humains,
qu’un des premiers cas que cette cour devrait considérer est
l’apartheid dont sont victimes les Saoudiennes. L’absence de liberté de mouvement, d’expression,
d’association, les violences qu’elles subissent, l’impossibilité de bénéficier d’un sytème de justice
juste constituent, selon lui, un crime contre l’humanité.
Quant au tribunal de la Haye, il continue son travail. Les viols et violences envers les femmes restent,
hélas, à son ordre du jour. Dernière arrestation en date : celle du serbe de
Bosnie, Radovan Stankovic,
arrêté le 10 juillet 2002, accusé de viols systématiques de femmes musulmanes commis entre
le 2 août et le 30 octobre 1992. L’homme tenait une maison qu'il "gérait comme un bordel", selon l'acte
d'accusation du procureur, où au moins neuf femmes et jeunes filles auraient été détenues. "Outre les
viols et autres violences sexuelles, toutes les détenues devaient travailler pour les soldats serbes,
laver leurs uniformes, faire la cuisine et nettoyer la maison" stipule le procureur.
Les cours nationales sont elles aussi sollicitées. C’est pour que soient jugés les coupables de génocide
envers 200.000 autochtones du Guatemala que la prix Nobel de
la paix guatémaltèque Rigoberta Menchú a intenté un procès
en décembre 1999 en Espagne. La Haute Cour d'Espagne a refusé d’examiner la plainte, estimant les
tribunaux guatémaltèques compétents... et libres d’intimidation! Certaines plaintes vont toutefois
être examinées par des tribunaux locaux.
Il existe de nombreux instruments internationaux dont on peut se prévaloir pour défendre les droits des
femmes. Ce sont souvent des textes pleins de beaux principes. Des textes toutefois conclus difficilement
afin que soient proclamés noir sur blanc des droits élémentaires : pour la liberté d’expression,
d’association, pour le droit de se défendre. Le droit d’exister. Quel qu’en soit le prix.
C’est ainsi que des étudiantes libériennes ont, en 2001, payé de sévices à répétition leur
participation à une manifestation pacifique sur leur campus universitaire. Les responsables :
les forces de police qui les ont arrêtées. En Tunisie, les
militant-es des droits humains sont arrêtés. En Éthiopie, les juristes de l’Ethiopian
Women Lawyers Association ont vu, en 2001, leurs activités suspendues par le pouvoir parce qu’elles
critiquaient le ministère de la Justice pour son inaction dans la lutte contre les violences envers
les femmes,
révélait Human Rights Watch.
Et je pourrais continuer ainsi longtemps. L’information ne manque pas en la matière. Reste une
certitude : il n’y a pas de naïveté à réclamer la mise en oeuvre d’une loi et son application. Toute
victoire dans le domaine est une victoire générale. À voir la façon dont les représentants des pays
s’étripent pour choisir le mot qui sera adopté dans un texte plutôt qu’un autre, on se rend compte
du poids des mots. À voir les pays qui, par la suite, ratifient ou non ces mêmes textes, on se doute
qu’il y a là un enjeu majeur. Et il l’est. Tout comme la condamnation, même seulement morale, même
posthume, d'auteurs de crimes contre l'humanité.