par Brigitte Verdière
Ce n'est pas une nouveauté : il y a des écrits qui brûlent. Écrire n'est pas un acte innocent,
surtout quand il s'agit d'affirmer ses idées, sa vision politique.
La liberté d'expression
fait partie des libertés fondamentales. Et elle est de plus en plus bafouée.
Le rapport 2003 de
l'organisme de défense des journalistes Reporters sans frontières
montre une montée inquiétante des atteintes à la liberté d'expression. Le nombre de journalistes
assassinés a quasiment doublé par rapport à l'année précédente, passant de 25 à 42. Le nombre
de journalistes interpellés, agressés ou menacés a lui aussi été en hausse. Il y a eu quelque
501 médias censurés (389 en 2002). Au 1er janvier 2004, 124 journalistes étaient emprisonnés
dans le monde et 61 étaient des cyberdissident-es.
Et moi qui vous écrit tranquillement de mon ordinateur installé sur le sol québécois, dans le cadre
d'un média montréalais, qui n'ai qu'à faire un "clic" et hop!, grâce à la diligence de l'animatrice
du site, mes propos sont en ligne! Aucune censure, aucune punition. Et pourtant il y a des femmes
et des hommes pour qui accomplir les mêmes gestes mène tout droit à la prison.
Prenez Liu Di. Cette étudiante
chinoise a fait partie de la liste des cyberdissident-es
arrêtés pour avoir publié des textes critiques envers le Parti communiste sur leur site Web.
C'est du moins la raison qu'évoque l'organisme China Labor Watch
quand il a révélé cette arrestation.
Sous le pseudonyme "La souris inoxydable", Liu Di a encouragé les internautes à "ignorer la propagande
du régime chinois" et à "vivre en toute liberté". Elle a également critiqué l'arrestation de
Huang
Qi, le créateur d'un site Internet détenu depuis le 3 juin 2000 pour avoir mis en ligne des articles
considérés comme subversifs par les autorités.
La Chine, indique toujours Reporters sans frontières, compte au moins 32 cyberdissident-es détenus,
dont 16 ont été condamnés à des peines de prison. L'organisme révèle également le cas de trois
responsables du bulletin électronique Sandhaanu, publié aux îles Maldives, un chapelet d'îles
de l'océan indien qui, en 2002, ont été condamnés
à la prison à perpétuité (oui, vous avez bien lu : à perpétuité) pour "diffamation" et
"tentative de renversement du gouvernement". Leur "crime" : dénoncer la corruption et les abus
d'autorité du président des Maldives. Parmi ceux-ci, l'un s'est évadé. La condamnation de leur assistante
Fatimath Nisreen, de 10 ans de prison, a été réduite à 5 en
novembre 2003. Vous l'avez compris, un seul jour de prison pour exercer son métier de journaliste,
c'est trop. Point à la ligne.
Je ne continuerai pas indéfiniment. Je vous renvoie à mes sites habituels :
Amnesty International,
Human's Rights Watch. C'est que je veux vous parler
aussi de chez nous, et tempérer un peu et même beaucoup mes propos légers du début. Certes, je suis
assez d'accord avec l'ancienne présidente de la Fédération
des femmes du Québec, Vivian Barbot, quand elle écrit : "Sans nier qu'il y a dans notre système
démocratique des éléments préoccupants, notamment en termes de droits et libertés, de racisme,
de discrimination, de pauvreté, etc., je m'insurge contre l'affirmation que nous ne vivons pas
en démocratie." Globalement, elle n'a pas tort. Mais il y a des tendances plus qu'inquiétantes
dans les dernières mesures adoptées par le Canada.
Au nom de la lutte contre le terrorisme, la Loi anti-terroriste adoptée en décembre 2001 restreint fortement les libertés d'expression et
de manifestation. Appuyée par 25 organismes, la Ligue
des droits et libertés vient d'ailleurs de lancer une campagne Nos libertés sont notre sécurité.
L'organisme rappelle entre autres l'affaire Arar, les perquisitions menées par la GRC au domicile
d'une journaliste du Ottawa Citizen et des projets aussi joyeux que celui
d'accès
légal qui permettrait une surveillance policière indue de nos communications (pdf).
Au nom de la lutte contre la cybercriminalité, les serveurs seront obligés de fournir aux forces de
police et de sécurité la possibilité technique d'intercepter des communications. Les écoutes
téléphoniques privées seront autorisées. Bref, la vie privée,
la liberté d'opinion en prendront un sacré coup!
Au Québec, le gouvernement libéral élu en 2003 n'est pas en reste. Pour faire passer huit projets
de loi qui font reculer les acquis sociaux, notamment en matière de garde d'enfants et
en matière syndicale (deux projets empêchent la syndicalisation des personnes
qui font de l'hébergement en milieu familial) et qui favorisent le secteur privé,
il a passé outre les débats parlementaires. La méthode est couramment désignée sous le terme de
"baîllon".
Le mot dit lui-même ce qu'il recouvre.
Heureusement, il y a les médias alternatifs et
les Zapartistes! Cette bande d'humoristes
s'en prend aux financiers qui mettent la presse en coupe réglée, aux journalistes devenus les carpettes
du pouvoir, aux hommes politiques qui profitent du système
et qui ne tiennent aucune de leurs promesses
électorales. Ils le font avec humour afin que "la stupidité de notre époque soit montrée du doigt".
"Il est important que l'humour serve d'exutoire social, de véhicule d'une critique politique et d'outil
pédagogique. C'est pas parce que c'est pas drôle qu'on n'a pas le droit d'en rire!", indiquent-ils
dans leur manifeste. Et ils tournent aussi en dérision les travers des gauchistes, des féministes,
des homosexuels, des étrangers, etc.
Ouf! Comme on dit, vaut mieux en rire. Tout en gardant l'oeil ouvert, la plume prête à écrire,
les actions prêtes à se mettre en place.